Geneviève Thauvette : Cinq fois plutôt qu’une
Les artistes doivent-ils absolument citer leurs sources d’inspiration? Dans certains cas, ils veulent sûrement rendre justice à leurs muses, mais en les évoquant, ils risquent aussi de trop canaliser l’interprétation du public, chez qui l’oeuvre devrait susciter une lecture plus ouverte.
À travers son corpus photographique présenté à la Galerie Dale Smith jusqu’au 4 mai, l’artiste d’Ottawa Geneviève Thauvette réinterprète des images d’archives entourant la saga des quintuplées Dionne en se mettant elle-même en scène dans le rôle de chacune des demoiselles. Avec ce travail, elle semble vouloir ressasser la réflexion entourant la tragédie dont les soeurs ont été victimes, forçant l’observateur à revêtir le rôle malaisé du voyeur. Le tout se conforme donc à l’histoire déjà écrite depuis la naissance des fillettes.
Cette apparence est trompeuse, puisque les photographies – une suite pertinente à ce que Thauvette avait présenté en 2008 au même endroit et qui avait tout d’un ensemble évocateur – s’avèrent assez complexes et mériteraient que le témoin dépasse ce premier niveau de lecture. Or, vu le titre de l’exposition, Les Quintuplées Dionne, la tâche est difficile…
Pourtant, au bout du compte, chaque cliché se lit comme une mise en scène sophistiquée, et propose un univers joliment inventé, tant dans sa construction technique (collage numérique de fragments photographiés) que par son concept élaboré (choix judicieux de costumes et de décors, réflexion autour du thème de l’autoportrait). Ainsi, le spectateur est invité, non pas dans l’univers des quintuplées, mais bien dans celui de Thauvette, espiègle et enjoué.
À voir si vous aimez / Cindy Sherman, Vanessa Beecroft, le film Million Dollar Babies de Christian Duguay