John Baldessari : Détruire l'art
Arts visuels

John Baldessari : Détruire l’art

Les vidéos de John Baldessari présentés au centre VOX sont totalement décapants. Quand l’ironie était encore une arme.

Il faut tenter de ruiner toute forme de prétention. Déconstruire toute l’arrogance et la vanité qui existent dans la vie, mais aussi en art. Car ce milieu n’est pas plus à l’abri de cette maladie que ceux de la politique, des affaires ou même des médias… Il faut aussi s’attaquer au manque d’intelligence du monde, fléau tout aussi omniprésent et qui va de pair avec le précédent. Mais comment faire? Que répondre à la suffisance et à la bêtise? Utiliser le rire et l’ironie en particulier, une des armes de l’art moderne et un des outils (souvent mal utilisé) de l’art postmoderne?

Voilà ce qui semble être le propos de l’oeuvre vidéo de John Baldessari présentée au centre VOX ces jours-ci. Dans la série de pièces choisies, il y a le désir d’effectuer une critique acide et humoristique du monde et du milieu de l’art. Cela se voit dans ce vidéo où Baldessari écrit à répétition sur une feuille de papier (comme un mauvais élève puni) les mots "I Will Not Make Any More Boring Art"… Cela se comprend aussi dans ce vidéo, I Am Making Art, où l’artiste répète cette phrase à chaque mouvement qu’il effectue.

Une des pièces majeures de cette expo est certainement Six Colourful Inside Jobs où Baldessari peint et repeint une pièce de six couleurs différentes (action qui s’exerce sur six jours et qui est montrée en accéléré). C’est tout un pan de l’histoire de la peinture abstraite qui s’y écoule et qui s’y écroule, d’Albers à Rothko, en passant par Jean McEwen. Une manière de ramener le travail du créateur à une activité physique, mais aussi de montrer les liens entre vie et création.

Notre collègue au Devoir, Marie-Ève Charron, a cru bon d’écrire que ce "retour sur le passé" aurait été plus fécond s’il avait été "mis en dialogue avec des oeuvres du présent". Voilà qui n’est jamais une mauvaise idée. Pourtant, malgré leur date de création (les années 1970), ces vidéos constituent presque un manifeste d’art actuel, à la fois contre la prétention d’un certain type d’art et contre le manque d’intelligence d’une autre grande partie de la création de notre époque. La commissaire Marie-Josée Jean a visé juste en montrant ces pièces. Elles incarnent une vivacité d’esprit qu’une grande partie de l’art contemporain ne possède plus. C’est l’expo à voir ces jours-ci.

À voir si vous aimez /
Erwin Wurm