Motelisation : No Vacancy
Arts visuels

Motelisation : No Vacancy

L’exposition Motelisation se penche sur la disparition des motels traditionnels, rouage du système capitaliste devenu symbole du kitsch.

Lorsqu’on accède à Sherbrooke via Lennoxville, on a parfois l’étrange impression d’avoir effectué sans le savoir un petit voyage dans le temps, un salto arrière dans les années 60. La cause de ce sentiment: la présence de nombreux motels, ces vestiges d’une époque révolue, aux abords de la rue Queen. "Je m’intéresse beaucoup au contexte local", confie Geneviève Chevalier, commissaire de l’exposition Motelisation présentée à la Galerie d’art Foreman de l’Université Bishop’s. "À Lennoxville, il y a quatre motels traditionnels. C’est vraiment le point de départ de l’expo."

En surface, le sujet peut avoir l’air un peu simplet, voire risible, mais les motels possèdent un curieux contexte historique, social et culturel. Du point de vue de l’architecture, du modernisme, la "motelisation" a de quoi fasciner. "J’ai fait des recherches sur l’histoire des motels aux États-Unis. Ça commence à la fin des années 1910. C’était soutenu par l’industrie pétrolière et automobile; ça faisait partie d’un système capitaliste. Les motels se sont développés en même temps que les autoroutes, les stations-service. Au départ, c’était une vitrine pour vendre l’idée du confort à la maison. C’est par les motels que les Américains ont découvert le matelas à ressorts, la porte patio, la télévision… Ça a renforcé la culture de la consommation. C’était planifié", démystifie la commissaire.

Qu’est-ce qui explique le glissement de ce qui était considéré comme luxueux vers le kitsch? "Les Québécois ont fait quelque chose d’assez drôle avec les motels. C’était souvent des entreprises familiales. Les gens mettaient leur subjectivité là-dedans. Il y avait un thème, souvent exotique. Ce côté populaire est intéressant et c’est en train de disparaître." Motelisation propose donc une réflexion quant à l’importance de conserver ce patrimoine.

CHAMBRE AVEC VUE

Cette exposition collective regroupe des artistes de différents horizons. "C’est assez varié dans les médiums et les approches, confirme Geneviève Chevalier. Ce qui était important pour moi, c’était l’engagement des artistes et le sérieux de leur pratique."

L’exposition comprend une installation présentée en 2009 par Alison S. M. Kobayashi et Gintas Tirilis. Cette oeuvre est le fruit d’un glanage d’objets dans des motels désaffectés d’une banlieue de Toronto. Le duo propose également une projection, tout comme Andrew King et Angela Silver, qui ont conçu une vidéo à partir d’un périple sur l’autoroute 20 de motel en motel, de Montréal jusqu’au Nouveau-Brunswick.

Une artiste de la région, Chantal Séguin, fait partie de Motelisation. Elle a conçu un diaporama, un mélange de photographie et de dessin, à partir du décor des chambres du Motel La Marquise.

Quant à Andrée Anne Vien, reconnue pour son approche participative inspirée de l’anthropologie et de la sociologie, elle a tiré sa matière première d’un questionnaire rempli par les clients du Motel Lennoxville. "La Galerie a une relation particulière avec ce motel, car les artistes qui exposent à la Galerie dorment là depuis des années", précise Chevalier. À partir des réponses, l’artiste a fabriqué toutes sortes d’accessoires qu’on retrouve dans les motels sur lesquels elle a imprimé des bribes de récits issus du questionnaire.

Andrée Anne Vien a également trafiqué le site Internet du Motel Lennoxville (andreeannevien.com/Motelisation/notedemotel.html). En fait, il s’agit d’une réplique piratée de l’original. Une visite s’impose. Faites vite avant que s’allument les néons du "No Vacancy".