Stéphane La Rue : Si blanche est la beauté
Arts visuels

Stéphane La Rue : Si blanche est la beauté

La rétrospective de Stéphane La Rue, un artiste montréalais d’exception, vient de s’ouvrir pour une brève apparition au MNBAQ.

Est-il possible d’apprécier à la fois l’art figuratif et l’art abstrait? Bien entendu, et c’est souvent la meilleure façon de donner du sens à nos sensibilités que d’aller au-delà de la simple ressemblance à un sujet représenté. C’est ce que propose Stéphane La Rue dans l’exposition Retracer la peinture, par un art qui n’est ni une illustration ni une allégorie, mais tout simplement l’incarnation concrète de la pensée dans la matière… Et si ces oeuvres, par leur réalité affirmée, étaient loin d’être abstraites?

Ceux qui ont aimé la dernière et superbe exposition Blancs chez Tzara ne pourront s’empêcher de saluer celle des oeuvres de La Rue, aérée, impeccable, et où le blanc s’insinue encore partout. Ah! cette "couleur blanche" que j’aime, qui devient tour à tour "le support d’une figuration de la matière elle-même", selon le communiqué, et donc un lieu pour faire vivre et animer la lumière. Une petite éternité où des oeuvres se retrouvent enchâssées dans les ombres qu’elles sculptent délibérément, comme dans Blancs d’ombre no 8.

Des oeuvres subtiles, lorsque l’épiderme d’une peinture lustrée réfléchit l’éclairage ambiant, comme de la lumière déposée sur la lumière même (D’après nature 2 et 3). Peut-on voir dans ces pièces le retournement de la réflexion du peintre Pierre Soulages qui, lui, utilise le noir glacé pour obtenir sensiblement le même effet? Sinon, est-ce tout l’inverse du travail récent de Marcel Jean où le noir mat, comme un abîme, absorbe l’entièreté du spectre lumineux?

Tout cela et plus encore: transparences et déliquescences subtiles de la matière (Fluent, Modus vivendi), papiers pliés (Couverture) et installations sculpturales qui viennent compléter une démarche où tout se tient solidement, où simplicité et poésie se côtoient sans se réduire l’une l’autre, mais plutôt en s’ajoutant l’une à l’autre.

Enfin, un superbe catalogue bilingue avec des textes solides issus du co-commissariat assuré par Louise Déry, directrice de la Galerie de l’UQAM, et Marie-Ève Beaupré, une jeune femme dotée d’une qualité dont tous voudraient pouvoir se saisir: la calme intelligence de sa passion.

À voir si vous aimez /
Les estampes d’Yves Gaucher, les papiers pliés et sculptures d’Yves Trudeau, les peintures de Soulages, la musique de Mamoru Okuno, la poésie de Paul Celan