Lynda Baril, Juan Ramón Lémus : Laisser sa trace
Arts visuels

Lynda Baril, Juan Ramón Lémus : Laisser sa trace

Au Centre d’exposition Raymond-Lasnier, les artistes Linda Baril et Juan Ramón Lémus, qui proposent deux expositions distinctes, s’intéressent à cette trace que nous laissons dans le monde des vivants.

Cet après-midi-là, une rencontre était prévue avec Lynda Baril pour son exposition Offrandes, coeurs et gestes. Mais une fois sur les lieux, force a été de constater qu’il était impossible de réaliser l’entrevue avec l’artiste mauricienne sans parler au Mexicain Juan Ramón Lémus, qui mettait la touche finale à Voir vers le sol: des objets et des images. Car si les créateurs qui exposent en même temps au Centre d’exposition Raymond-Lasnier entretiennent rarement des liens entre eux, il en est autrement pour ce duo, dont les oeuvres se répondent.

"En fait, notre travail ensemble a commencé au Chiapas (Mexique). On s’est rencontrés dans une exposition où j’étais invitée. Juan Ramón Lémus exposait dans la salle d’à côté et il s’est tout de suite installé une grande amitié, un intérêt pour le travail de chacun, amorce l’artiste de la région. Puis, on a développé un projet ensemble sur le mois des morts au Mexique en 2009. Finalement, quand j’y suis allée, ici, on commençait à travailler sur l’idée d’une exposition territoriale sur la mort. J’ai ainsi déposé le projet en me disant qu’on allait ramener notre expérience du Mexique à Trois-Rivières, et ça a été accepté. Donc, ça fait déjà deux ans qu’on travaille ensemble sur les deux installations."

DEUX VOIX, UN PROPOS

Dans Coeurs, offrandes et gestes, Lynda Baril ramène ses coeurs de pomme sculptés. Ils ont tantôt la forme de petites figurines, tantôt de délicates roses. Ces dernières sont d’ailleurs apparues récemment dans sa démarche créative. "C’est nouveau. C’est un travail que j’ai fait à partir de ma recherche sur la mort au Mexique. Parce que la première fois que j’y suis allée, en 2006, j’ai vu comment la fleur et la religion sont importantes pour les habitants. Ils font encore des processions avec des tonnes de fleurs qu’ils apportent à l’église. Et ils conçoivent des arrangements extraordinaires avec la rose lors des cérémonies mortuaires." À ces minuscules et nombreuses sculptures s’ajoutent des impressions numériques grand format, un mobile, un cardiogramme…

Avec Voir vers le sol: des objets et des images, Juan Ramón Lémus, quant à lui, propose une exposition chargée d’histoire et de sensualité où la chaussure occupe une place de choix, tant dans ses sculptures que dans ses photographies. "Si tu t’approches, tu vas voir que, sur chacune des photos, il y a une intervention à la machine à coudre ou à la main. Je crois que c’est ce qui fait qu’elles sont uniques", commente-t-il.

Différentes au premier coup d’oeil, ces deux expositions prennent pourtant racine dans le même terreau. "Je pense que c’est beaucoup par la sensibilité que nos travaux se rejoignent, souligne Lynda Baril. Il y a aussi l’aspect éphémère, le vécu, la trace – comme dans l’objet de récupération. Cette âme qui est déjà dans l’objet, mais qui est laissée par l’humain, et non par la mécanique, mais qui a rapport à la mécanique quand on pense aux chaussures. Les chaussures [Juan Ramón Lémus a disposé çà et là des souliers obtenus à la suite d’une collecte trifluvienne] sont intéressantes parce qu’elles ont été portées. Si on avait des chaussures neuves, on aurait tout de suite une autre lecture. De mon côté, c’est la même chose avec les coeurs de pomme qui ont été croqués, mangés par les gens. S’il n’y avait pas de rapport à l’autre dans l’oeuvre, il n’y aurait pas vraiment d’oeuvre. Parce que je dépends du public pour réaliser l’oeuvre. Et c’est la même chose pour Juan."

Jusqu’au 30 mai
Au Centre d’exposition Raymond-Lasnier
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