Patrice Duchesne : Corps flottants
Arts visuels

Patrice Duchesne : Corps flottants

Patrice Duchesne a le Pouce carré comme d’autres ont le pouce vert. Commentaire sur son exposition et sa performance à Langage Plus.

Les dessins de l’artiste saguenéen Patrice Duchesne s’installent au centre d’artistes Langage Plus jusqu’au début juin. Ils se mettent à l’aise, occupant non seulement les murs, mais également les poutres, fenêtres et autres éléments de l’architecture et du décor. Duchesne ouvre la porte à la détente en évoquant une salle à manger, principalement par la présence de quelques tables de cuisine style mélamine blanche. L’objet fétiche des partages conviviaux est détourné de son action quotidienne pour nourrir l’exposition d’une réflexion poétique sur le plaisir de se rassembler.

HUILE ET CRAYON

Paysage fascinant entre abstraction et figuration, chaque dessin invente un "microcosmos" ou une biologie picturale. Des formes elliptiques semblables reviennent souvent, ici au pochoir, là en impression. Après une tournée minutieuse, le secret est révélé. Les matrices ayant servi à ces interventions négatives et positives se trouvent accrochées au garde-fou de l’entrée. Il s’agit de tourbillons de colle chaude durcis. La matière est considérée selon ses qualités plus que selon sa fonction usuelle. En fait, l’expérience de l’artiste dans le domaine de la construction enrichit sa recherche plastique. En guise d’exemples, l’utilisation de matériaux comme la styromousse et les traits au mur qui rappellent ceux d’un compas laser.

Toutefois, ce qui retient le plus l’attention est un dessin tapissant presque entièrement la surface du mur du fond. Sur plusieurs feuilles volantes, des papiers de textures différentes, il reconstitue un grand corps accablé. Là où il n’y avait aucun papier pour la contenir, la ligne sur sa lancée continue directement au mur. Parasites, infections, micro-organismes, protéines flottantes? De petites choses gravitent autour de la figure, dont chaque extrémité se termine par une tête. Attend-elle, allongée sans repos, que ces créatures acharnées la laissent en paix enfin? Au crayon de plomb et à la peinture s’ajoute une composante omniprésente dans la salle, l’huile, qui suinte du papier à plusieurs endroits et parfume l’air.

À TABLE

Si l’huile est au dessin, le bran de scie est à l’assiette. Lors du vernissage le 14 mai dernier, Patrice Duchesne a réalisé une performance qui sollicitait la participation de sept personnes du public. Ceux qui avaient assisté à la dernière édition du festival Art nomade ou encore à Degré limite au Cégep de Jonquière avaient déjà eu un avant-goût de l’esthétique développée par l’artiste. Les volontaires, distribués autour de deux tables de salle à manger, devaient boire assidûment du vin rouge durant toute la durée de la performance. Une ambiance décontractée s’est rapidement installée tandis que Duchesne effectuait diverses actions poétisant les rapprochements festifs. Qu’il fasse des trous dedans avec une perceuse électrique ou mange une baguette de pain la tête glissée entre ses deux sections coulissantes, la table est au centre de sa réflexion sur la consommation, dans laquelle violence dosée et bonheurs épicuriens cohabitent.

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Le dessin et la performance