À la vie, à la mort : Accepter la mort
Après Berlin, Lisbonne, Londres et Hambourg, l’exposition À la vie, à la mort s’arrête tout l’été au Musée des religions du monde à Nicolet.
"As-tu déjà accompagné un proche en fin de vie?" me demande Beate Lakotta, la cocréatrice, avec Walter Schels, de l’exposition À la vie, à la mort. Un "non" prononcé à demi-mot s’envole dans les airs. D’une voix douce, elle explique que les gens condamnés n’ont souvent plus personne à qui parler. Leur famille, les êtres qu’ils aiment ne les écoutent plus; ils ne leur demandent plus comment ils vont, ce qu’ils font. Car ils veulent surtout savoir qu’ils mangent bien, qu’ils gardent le moral, qu’ils n’abandonnent pas leur combat. Ainsi, la journaliste est en quelque sorte devenue cette oreille attentive. Et le photographe Walter Schels, un oeil pour immortaliser leur passage sur terre.
Pendant une année entière, le duo a baigné dans l’atmosphère pesante et dense des maisons de soins palliatifs. Cherchant à apprivoiser la mort, il a réalisé le portrait de 26 personnes souffrant de maladies incurables, à l’aube du passage de la Faucheuse. Âgés de 18 mois à 83 ans, ces individus lui ont raconté un peu de leur vie, de leurs angoisses et de leurs espoirs. Tout ça s’exprime dans un texte qui résume leur pensée avant le grand voyage ainsi que dans deux immenses portraits noir et blanc, pris l’un avant leur mort, l’autre, après.
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Malgré sa grande sensibilité, l’exposition À la vie, à la mort trouble, bouleverse. "C’est ce qu’on veut, souligne Jean-François Royal, directeur du Musée des religions du monde. On souhaite que les gens sortent d’ici en ayant – et là, je ne veux pas faire de mauvais jeu de mots – un temps mort de réflexion. Je désire qu’ils prennent un moment pour se questionner: "C’est quoi ma relation par rapport au deuil? Comment je perçois ça? Et quand je lis le texte de Mickaël, de Rita ou de Barbara, est-ce que ça vient me rejoindre?" Ce n’est pas juste émotif. Je veux que les gens se reconnaissent dans un des individus. L’idée, ce n’est pas d’être dépressif. C’est de se dire comme société que c’est peut-être normal, lorsqu’on enterre quelqu’un qui est proche de nous, d’avoir besoin de prendre le temps. Ce n’est pas normal de retourner au travail le lundi matin, après avoir tout fait ça la fin de semaine: s’être vus au salon, avoir incinéré et enterré la personne que l’on aimait, avoir fait une petite cérémonie, avoir mangé des sandwichs…" Il prend une longue inspiration avant de poursuivre: "Nous, on ne trouvait pas ça correct et on s’est dit qu’on devait prendre une part active dans le débat de société."
Et lui, comment réagit-il au travail de Lakotta et Schels? "Chaque fois que j’en parle, j’ai des frissons. Quand j’ai déballé les oeuvres… Ça ne se dit pas… C’est un feeling incroyable. C’est d’une sérénité, d’une beauté artistique, mais en même temps, c’est troublant, ça vient nous chercher dans les tripes. On ne sait pas trop comment se positionner. Personne ne peut rester indifférent."
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La photographie, être bouleversé
Cette exposition est maintenant présentée à la Basilique Notre-Dame de Montréal. Ce n’est pas le genre d’exposition que je vais voir habituellement. Rien d’artistique dans celle-ci, car tout se passe à un autre niveau. C’est dans un style avant après que des photos de visages de gens, qui sont en phase terminale, sont affichées sur les murs.
Ces défunts, qui ont accepté de participer à cette expérience inhabituelle, ont surtout laissé un billet qui nous explique une partie de leur vie et comment ils perçoivent la mort qui approche. C’est fait tout en dignité et chose étonnante la mort ne les effraie pas.
Certains la désirent et d’autres la considèrent avec fatalité. Cette exposition laisse une impression troublante. Il n’y a rien de choquant dans ces photos en noir et blanc qui présentent des gens de tous les âges. Il s’agit d’une initiative allemande auprès de gens hospitalisés dans des centres de soins palliatifs : ils désiraient laisser une trace de leur vie.