Patrick Coutu : Plus grand que nature
Arts visuels

Patrick Coutu : Plus grand que nature

Patrick Coutu fait dans le paysage? Il explore à tout le moins les possibilités des techniques qu’il utilise, les poussant hors de leur usage habituel. Un piège pour le regard.

Je ne vous parlerai presque pas du sujet des plus récentes oeuvres de Patrick Coutu. Le fait qu’il montre majoritairement des paysages marins ou littoraux, des branches d’arbres ou des jets d’eau ressemblant à des fleurs n’est pas la finalité de sa création. À l’évidence, Coutu n’est pas un paysagiste. Son propos dépasse le simple regard émerveillé ou inquiet sur le monde qui nous entoure.

Je dirais que Coutu se spécialise dans le détournement de la nature… des choses. Si le mot n’avait pas des résonances aussi fortes, nous dirions même qu’il s’agit d’une oeuvre contre nature… Ce qui est extrêmement fascinant dans son travail est le fait que nous avons de la difficulté à nommer ce qui est sous nos yeux et du mal à comprendre comment il a réussi à s’y prendre pour réaliser ses oeuvres, sortes de détournements visuels. Les techniques utilisées semblent y défier leurs propriétés et leur plasticité habituelles. Ce qui saute aux yeux dans cette expo est donc moins le sujet des tableaux que l’ambiguïté de l’essence du matériau manipulé. Prenons un exemple.

Ses six grands dessins (oeuvres phares de cette expo) montrant des paysages se reflétant dans l’eau d’une rivière ou d’un océan font penser à des photos (de dessins) ou à des eaux-fortes. Ils en ont la plasticité impeccable, cet aspect de surface lisse et unie que l’on associe à ce type de tirage mécanique. Ils en ont les tonalités et les profondeurs des noirs, des gris et des blancs. La photo semble ici tout particulièrement convoquée (mise en abyme) par les effets de positif et de négatif.

Pourtant, Coutu a réalisé ses dessins avec du pigment et du vinaigre, en repliant ses feuilles sur elles-mêmes afin de produire des effets de reflets et de miroitements. Néanmoins, la matérialité du papier et de sa pliure, du pigment de sa texture, semble ici s’évaporer au profit d’une surface immaculée, presque immatérielle, digne d’une photo passée dans des bains… Je ne sais pas comment il a fait, mais le résultat est fascinant.

Ce qu’il y a d’étonnant chez Coutu, c’est qu’il sait bien rendre naturel ce qui est de l’ordre de l’artifice (de la technique astucieuse et complexe), comme si cela allait totalement de soi.

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