Julie Tremblay : De l’ordre dans le chaos
Étudiante diplômée de l’Université Laval en exil, Julie Tremblay revient exposer dans la ville pour un court laps de temps. On trouve chez Lacerte ses sculptures faites de retailles de métal écarlates.
Il est parfois étrange de constater comment certaines oeuvres exercent une fascination sur les journalistes, qu’ils soient chroniqueurs ou critiques. À la lecture des derniers articles parus à Québec sur l’exposition Interstices de Julie Tremblay, cette jeune artiste d’ici établie à Copenhague depuis quelques années, on se surprend à trouver encore une acclamation unilatérale. Mais comment faire autrement quand le travail présentant ces corps déployés dans l’espace est d’un fini si propre et étincelant, quand tous ses sens possibles sont si bien assumés et assimilés?
On ne peut nier que les oeuvres de Tremblay sont, plastiquement parlant, très pures; leur graphisme, d’une grande unité en raison de la matière utilisée, et leur structure harmonieuse forment de belles et complexes architectures. On ne pourra non plus contester que l’évocation des fractales et de la théorie du chaos – ici figurées dans une métaphore du système sanguin – y demeure d’une grande limpidité. Comment, alors, ne pas s’incliner aussitôt? En fait, pour chaque décision plastique ou opinion trop tranchée, il manquera toujours un envers…
Dans cette exposition, c’est la spontanéité viscérale jointe à la peur de l’échec qui semble absente. Où ressentir, dans ces pièces, cette mise en péril délibérée de la sensibilité? Le matériau industriel utilisé est si lisse et régulier que cela renforce l’impression de rigidité, de la forme qui semble trop maîtrisée pour atteindre au tragique d’une émotion vive. Ce goût du risque serait-il pallié par l’introduction de matières imprévues, texturées, qui mettraient de cette façon l’oeuvre en contradiction avec elle-même? Est-ce cette tension que l’on sent dans Continuum I? Pour nous, la préférence ira à ce morceau où l’impression de contrôle est moins perceptible, les possibilités d’évocation s’en trouvant du même coup élargies.
Enfin, si la liberté n’est pas une marque de yogourt (dixit Falardeau), la critique, elle, est une marque de respect. À ce titre, les oeuvres de Julie Tremblay ne méritent pas seulement une acclamation banale et machinale, mais des félicitations plus nuancées.
À voir si vous aimez /
Françoise Sullivan, Ulysse Comtois, Les Fermières obsédées