Jalon historique pour la connaissance des femmes artistes qui ont laissé leur empreinte dans l’art du Québec, l’exposition de la commissaire et directrice Esther Trépanier a tout pour ravir le public. Lequel public, s’il ne cherche pas seulement la gentillesse de sujets réconfortants, pourra s’éprendre d’un nombre toujours grandissant d’oeuvres et de noms qui questionnent sa propre identité.

D’heureuses rencontres sont à faire parmi ces oeuvres contemporaines, dont la majorité utilise des médias non traditionnels pour s’exprimer; la photographie (Myriam Laplante, Clara Gutsche) forme, avec la vidéo (Michèle Wacquant) et l’installation (Jocelyne Alloucherie, Claudie Gagnon), presque tout le corpus. Ainsi, ceux qui souhaitent voir des oeuvres marquées du sceau de l’inventivité et des enjeux esthétiques liées à l’histoire sociopolitique, autant que l’évolution des idées et des techniques, trouveront leur compte parmi ces pièces de choix.

Une présentation sincère qui fait fi de la "décorativité" et où la scénographie ne gêne pas trop la lecture est toujours rafraîchissante. Sinon, outre l’étroitesse de la salle 5, une chose nous agacera un peu: les thématiques. Cette manie d’orienter le regard dans des catégories parfois trop vagues (introspection, humour, politique), née des impératifs de la muséologie, était-elle nécessaire? En quoi ces catégories sont-elles propres au travail des artistes féminines? Doit-on, même sous prétexte de vulgarisation ou de didactisme, obliger les pièces si riches de sens à être réduites à une seule de leurs si nombreuses possibilités – bref, cantonner la pensée du visiteur dans une piste suggérée au détriment de toutes les autres? Comme les cartels expliquent bien le travail de presque toutes les créatrices, ne vous gênez pas de faire "éclater" ces frontières-là lors de votre parcours… Vous verrez que l’exposition demeurera d’une simplicité tout aussi convaincante, permettant aux artistes de déployer leur pleine originalité, librement.

Sinon, quelles oeuvres préférer dans cet ensemble? Irene Whittome avec son oeil ouaté, Claire Beaugrand-Champagne avec ses saisissantes images de Disraeli, Raphaëlle de Groot qui, avec ses dessins "à l’aveugle" particulièrement touchants, s’inscrit discrètement dans une filiation avec l’automatisme. Mais encore, la suite Zones d’extases de Nicole Jolicoeur ou les surprenants étendards suspendus de Dominique Blain. Remarquez enfin Diane Landry et Betty Goodwin, dont l’authenticité et la cohérence sont toujours si belles.

Enfin, la contribution du catalogue, qui va au-delà de l’exposition, offrira une bonne introduction pour découvrir ou redécouvrir, à juste titre, plusieurs pièces maîtresses qui se déploieront maintenant avec une grâce ailée dans notre imaginaire collectif.

À voir si vous aimez /
Les écrits de Fernande Saint-Martin et les dessins à l’aveugle de Molinari