Runa Islam : L’oeil vierge
Runa Islam est au MAC. Après avoir montré Tacita Dean, le conservateur Mark Lanctôt poursuit sa réflexion sur un art contemporain héritier intelligent des avant-gardes.
Le travail de la Britannique (née au Bangladesh en 1970) Runa Islam est souvent décrit comme une réflexion sur le cinéma, sur les conditions physiques de sa production et présentation (ce que l’on pourrait nommer le dispositif cinématographique). Cela est un des points de vue développés par Mark Lanctôt, commissaire de cette expo au Musée d’art contemporain (MAC), et par bien des critiques d’art. Il y a en effet dans ses films une mise en scène sur le cinéma. Dans cette expo, la présence très soulignée de projecteurs de films (et de leur bruit) n’est que la partie la plus visible de cette mise en abîme du système technique et langagier du cinéma. Cette lecture n’est donc pas fausse, mais elle ne nous semble pas toucher le coeur de cette pratique.
Il s’agit d’une oeuvre hantée par le regard, par le désir de voir, de scruter les images et le monde qui nous entourent. Autant dans les plans fixes qu’elle utilise que dans les ralentis ou les films placés en boucle, Runa Islam semble obsédée par le fait de voir et de nous permettre de voir enfin ce que les autres n’auraient pas vu. Parfois, le visiteur aura l’impression d’être dans le film Blow-Up d’Antonioni ou d’être confronté à la présentation en boucle des images de l’assassinat de Kennedy afin de mieux percer enfin le mystère que l’image filmique aurait peut-être enregistré. Un exemple: dans Assault, on scrute le visage du dandy, très androgyne commissaire et critique d’art Milovan Farronato. Femme? Homme? Cette image que l’on peut examiner recèle-t-elle un autre secret, un signe qu’il faudrait décoder? C’est aussi le cas de l’oeuvre constituée de deux photos d’archives montrant des chevaux morts. Intitulée Rencontre indélébile (j’ai levé la tête pour apercevoir à mi-distance un homme accompagné d’une figure à trois jambes, immobiles), cette pièce semble nous convier à fouiller les images pour découvrir autre chose qui y serait caché.
C’est comme si Islam nous obligeait à continuellement regarder pour la première fois. Comme le dit le titre d’un de ses films, "sois le premier à voir ce que tu vois comme tu le vois".
Soulignons que l’artiste indique dans ses cartels la liste de ses collaborateurs, pratique que devraient suivre bien des artistes contemporains égocentriques et prétentieux qui croient que le faire est une activité insignifiante, réitérant ainsi le rapport méprisant que le capitalisme entretient avec la main-d’oeuvre et le travail manuel.
PEINTURE CONCEPTUELLE
Bleu AGO, jaune MBAM, rouge MBAC… Non, ce n’est une référence au poème Les Voyelles d’Arthur Rimbaud, mais une description de l’oeuvre Attaché de l’artiste montréalais David K. Ross. Sa présentation est principalement composée de photos sur latex montées sur toile exhibant les couleurs des caisses de transport associées aux différents musées canadiens (Art Gallery of Ontario, Musée des beaux-arts de Montréal…). Joli jeu de miroirs: chaque toile est légèrement plus petite que la caisse à laquelle elle se réfère, ce qui permettrait de la transporter facilement vers le musée dont elle parle, dans la caisse qu’elle représente… Une idée intéressante.
À voir si vous aimez /
Tacita Dean et Guy Pellerin
Runa Islam:
David K. Ross: