Hélène Richard : Artiste en herbes

Le journaliste a dû patienter un peu. Il fut ardu de joindre Hélène Richard, car la matinée était belle et qu’une balade à bicyclette s’imposait à elle. On lui pardonne. "Vélo et herborisation, c’est ce que je fais de mes étés", lance l’artiste. Beau programme. D’ailleurs, sur les sentiers qu’elle sillonne, il n’est pas rare que la Sherbrookoise cueille certains spécimens de plantes qu’elle conserve dans un écrin et rapporte précieusement à son atelier.

Depuis 10 ans, son art est teinté par sa passion des plantes, qu’elle aime étudier sous toutes leurs coutures. Le point de départ de son Herbier pictural fut une série de tableaux intitulée Paysages polymorphes, dans laquelle on découvre son approche des saisons. "J’appelle ça mes patchworks parce que j’entourais des arbres de toutes sortes d’éléments de la nature. Petit à petit, l’arbre est devenu une fleur."

Après les plantes de son jardin, Hélène Richard a fait fi de cette frontière et son projet a pris de l’ampleur. "C’est à partir de ce moment-là que j’ai décidé de faire la plante en entier, avec sa racine, l’oignon, le rhizome… tout ce qu’il y a en dessous de la terre. C’est fait le plus précis possible." Chaque oeuvre comporte plusieurs détails, des informations écrites et de petits croquis, qui laissent croire que l’artiste a eu recours à une approche scientifique, une rigueur peu commune chez les artistes. "Je ne vois pas cela comme de la rigueur. C’est que je travaille toujours par thèmes. Naturellement, l’aspect très structuré de la botanique m’a interpellée. L’intérêt scientifique, il est venu après le plaisir de l’herborisation."

"À la floraison, le bulbe est à 15 centimètres sous terre", peut-on lire sur l’une des peintures. Ces faits, l’artiste les glane dans un bien curieux livre de chevet. "Ma bible, c’est La Flore laurentienne du frère Marie-Victorin. C’est une brique que j’ai depuis toujours. Je ne la feuilletais pas si souvent jusqu’à ces 10 dernières années."

AU GRÉ DES SAISONS

Les plantes d’Hélène Richard se déploient sur des arrière-plans jaune et brun, ou vert et rose – "C’est pour obtenir une symbiose agréable, pour le jeu des couleurs", explique-t-elle -, qui reprennent le relief du papier que l’artiste fabrique à la main. "Je les fais à partir de mes vieilles gravures que je trempe dans le bain puis que je déchiquette. Ça passe ensuite au mélangeur de la cuisine et je me réveille avec une pâte à papier, que je veux toujours assez grossière."

Habituée de prendre en charge toutes les facettes de son art, l’artiste a publié à compte d’auteur un livre d’art tiré à 500 exemplaires, Herbier pictural de fleurs sauvages du Québec. "Je suis allée frapper à quelques portes, mais il n’y avait aucun intérêt de la part des éditeurs, alors je me suis dit qu’à mon âge, à 72 ans, it’s about time!" Bien dit.

Tout comme l’exposition, le livre présente les oeuvres suivant l’apparition des plantes dans la nature. On peut donc parler d’un ordre chronologique, mais Hélène Richard apporte une précision: "Si j’habite au nord du fleuve, les fleurs ne sortiront pas en même temps qu’ici, à Sherbrooke… Mais je n’irais pas mettre un pissenlit en novembre."

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