Gilles Daigneault : Graver dans la mémoire
Le critique et commissaire Gilles Daigneault a monté une grande expo sur l’estampe québécoise. Le genre vous rebute? Vous rateriez une très bonne expo.
Le genre fut longtemps déprécié. Si on la compare à la peinture ou à la sculpture, l’estampe fut longtemps un des parents pauvres des arts visuels, ayant, si je puis dire, de multiples enfants mais pas beaucoup d’argent en poche… Serait-ce parce qu’elle contestait le caractère unique du chef-d’oeuvre? Ou serait-ce plus précisément une question de valeur économique? L’estampe et ses nombreuses reproductions venaient miner la rareté de l’oeuvre d’art et ainsi son caractère précieux. Pourtant, techniquement ou intellectuellement, ce moyen d’expression n’a rien à envier aux autres.
L’expo Ces artistes qui impriment – Un regard sur l’estampe au Québec depuis 1980, présentée par le réputé commissaire Gilles Daigneault, permet de voir, à travers le travail de 88 artistes, comment le genre a été et continue d’être fort au Québec (bien après le "prétendu boum" des années 70, que Daigneault critique dans le très intéressant catalogue). De plus, cette présentation souligne à quel point le genre de l’estampe va au-delà de la vision limitée que certains pouvaient avoir d’elle. Vous y verrez de la sérigraphie-sculpture avec la toujours très contemporaine et monumentale pièce Esmeralda, la louve cartomancienne de Pierre Ayot, de la photogravure en relief avec la surprenante sphère éclatée du Grand Amphithéâtre de la Sorbonne par Alain Paiement, de la sérigraphie bande dessinée avec Henriette Valium et Julie Doucet, de la litho marouflée et très peinture de Pierre Durette… Avec aussi des pièces de Mathieu Beauséjour, Geneviève Cadieux, René Donais, John Heward, Lucie Robert…
Et pour compléter ce panorama, un bref survol historique pré-1980 avec, entre autres, la présence de deux chefs-d’oeuvre (le mot est ici mérité), Shirt Four (1971) de Betty Goodwin et Pli selon pli (1964) d’Yves Gaucher. Que l’on ne vienne pas me dire que l’estampe n’a pas marqué l’histoire de l’art au Québec!
Une expo très bien montée avec toute une série de panneaux explicatifs et même de phrases placées sur le sol qui dynamisent l’ensemble. Une très bonne scénographie signée Diane Bernier. Voilà plus qu’une expo d’estampes, il s’agit d’un panorama de l’art québécois actuel.
À voir si vous aimez /
L’art québécois