Pascal Dufaux : Abîmes cosmiques
Arts visuels

Pascal Dufaux : Abîmes cosmiques

Dans l’exposition Le cosmos dans lequel nous sommes, Pascal Dufaux sculpte des images issues de caméras de surveillance en constante révolution.

C’est le principe des poupées russes. Pascal Dufaux sculpte des machines vidéocinétiques qui sculptent l’espace à leur tour. Armés de caméras d’observation, les rouages d’acier entraînent le spectateur dans un drôle de manège, lui font faire le satellite autour de sondes, grâce à la création d’images anonymes et de rotations à 360º. "Pour moi, la sculpture est un travail sur l’espace, sur les formes dans l’espace", explique ce diplômé en scénographie et en arts visuels. "Après le passage des formes, il reste des images. Je les vois donc comme des productions du corps, tel un serpent dans ses mues qui perd des peaux derrière lui."

Les images sculptées sont des résidus, des traces futiles d’une présence (ou d’une absence). Aucune chaleur ne s’en dégage, mais il y a là une certaine vérité. "Ce qui m’intéresse des images de caméras de surveillance, c’est qu’elles donnent l’occasion de montrer une réalité détachée du commentaire de l’auteur. Quand tu rentres dans un dépanneur, tu peux voir cette vision fade, sans qualités esthétiques. Ces images sont autogénérées. C’est très cru et j’ai l’impression que cette crudité donne l’occasion de voir le réel, un peu comme les images scientifiques de la NASA prises sur Mars ou dans le cosmos."

Le titre de l’exposition (Le cosmos dans lequel nous sommes) réfère non seulement au design des deux "machines de surveillance" qu’on retrouve au centre en art actuel Sporobole, mais aussi à la manière de situer le spectateur dans une globalité qui le dépasse. "Ma grande inspiration, c’est le design spatial, tous les ingénieurs anonymes qui signent ces objets qui ont des fonctions très précises, mais avec une élégance incroyable. Il y a donc ce côté cosmique aux machines, mais le titre de l’expo vient de la manière dont elles nous montrent le quotidien. C’est un peu comme si une sonde spatiale se posait dans la rue Wellington à Sherbrooke. Les images seraient aussi étranges que le paysage de Mars. J’aime bien cet effet à la fois familier et étranger. Le cosmos, ce n’est pas toujours ce qui est au loin. C’est aussi l’espace entre les gens." Nous sommes tous des cosmonautes.

DANS MON SPOUTNIK

Alors qu’une première sculpture comporte une seule caméra qui se joue des tours à l’aide d’effets miroir, la seconde, un prototype récent, en est la suite logique et compte deux caméras. "Elle est en réponse à la première machine qui, à certains moments, se voit elle-même. Dans le prototype, le reflet se matérialise et devient une autre caméra."

Même si la vidéosurveillance comporte sa part de zones grises, Pascal Dufaux n’en dénonce pas les abus. "L’ère de la dénonciation, on l’a beaucoup exploitée. Je pense d’ailleurs qu’il y a quelque chose de pas très clair lorsqu’on dénonce la vidéosurveillance. On peut la craindre, mais elle fascine. Tant qu’à la subir, je trouve intéressant de se l’approprier, de la détourner. J’aime étourdir les caméras de surveillance car ça devient autre chose qu’une menace."

Il est vrai qu’une accidentelle beauté se dégage des répétitives mises en abyme créées au fil des révolutions. "Ça permet de donner conscience au spectateur qu’il est regardé et son regard rentre alors dans une espèce de ronde infinie. Ça aide à la fascination, mais la mise en abyme est davantage philosophique qu’esthétique. C’est comme un vertige."

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Les arts médiatiques, le design spatial, la vidéosurveillance