Serge Clément : Sur l'épiderme du monde
Arts visuels

Serge Clément : Sur l’épiderme du monde

Serge Clément, photographe de grande renommée, expose depuis quelques jours chez Lacerte une suite d’exception ayant pour thème la ville de New York. Bref survol de l’accrochage intitulé N à Y.

Suffit-il de créer des images avec un appareil pour devenir automatiquement artiste? Probablement pas et dans la jeune tradition de la photographie imprimée, le procédé choisi au tirage reste primordial: c’est exactement là que la photographie peut passer subtilement du document visuel à l’art, grâce au choix que l’artiste pose sur l’épreuve définitive. Autrement, rares sont les derniers survivants de la photographie argentique qui, tel Serge Clément, s’obstinent à utiliser ce procédé devenu pour plusieurs désuet.

On ne l’écrira jamais assez, il y a entre les impressions numériques et argentiques une quantité de nuances subtiles dues à l’émulsion: profondeur des noirs, justesse des gris, éclat des blancs. La preuve de cela sera enluminée par le résultat saisissant que donne cette exposition chez Lacerte, une réussite que nous pouvons, sans trop nous tromper, considérer comme le couronnement de la pratique de cet artiste.

Ceux qui l’ont connu à l’époque de l’opuscule Cité fragile se rappelleront le souci de Serge Clément pour la composition d’images où le motif et la figure humaine sont toujours sertis dans un sens poétique. Une poésie elle-même éclairée par une construction évocatrice de l’espace environnant le plus souvent sculpté par des ombres dramatiques. Sinon, un espace riche, informé de mille détails graphiques inscrits dans ses clichés grâce à une vision personnelle et cohérente et assortie d’une élégance délicate que les Clotaire Rapaille de ce monde ne peuvent pas comprendre… Tout cela encore, investi dans une quête proposant comme recherche "l’inconscient des villes".

Dans la présente exposition où plusieurs images frôlent l’abstraction, il semble que la lumière soit maintenant devenue l’enjeu principal. Celle qui restait auparavant au second plan, comme accolée au sujet du cliché, s’y déploie, obsédante: une lumière qui construit l’espace et module les volumes (Canvas), une lumière qui aveugle et transperce l’image dans l’image (Torse), une lumière qui explose d’une myriade de facettes, pareille au coeur d’un diamant (Mosaïque).

Au kaléidoscope des vitrines new-yorkaises sur l’épiderme du verre, la lumière vient perler comme des fragments de rosée que le photographe recueille et consigne par des cadrages inédits. C’est ainsi que, parmi cette suite éclatante et quintessentielle, l’oeuvre Last Days paraîtra emblématique de l’inconscient new-yorkais. Cela, en soulignant avec force la vision postapocalyptique qui, depuis le 11 septembre, enveloppe de son aura la cité phare de la culture américaine capitaliste et consumériste. Cette oeuvre bouleversante constitue à elle seule un terrible miroir de notre civilisation. Un monde fasciné par le spectacle de sa propre décrépitude, une citadelle de sable blanc et étincelant emportée par une tumultueuse marée noire.

À voir si vous aimez /
Harry Callahan, Aaron Siskind, Gordon Webber

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BEDING X BEDANG = 3!

Pan! Peinture en est déjà à la fin de sa troisième édition. Contrepoint du symposium de peinture de Baie-Saint-Paul se déroulant dans la ville de Québec, l’événement est particulièrement prisé en ce qu’il permet à la jeune et talentueuse relève de se faire valoir dans un laboratoire artistique in situ échelonné sur plus d’un mois. Cette année, l’événement était placé sous le commissariat de Pascale Bédard, qui a choisi le thème original de l’"expérience de pensée", que l’on peut résumer comme une recherche scientifique qui prend l’art pour assise afin d’investiguer la réalité. Le vernissage de l’exposition finale où nous pourrons voir les résultats se fera le 27 août à 19h et celle-ci se tiendra jusqu’au 12 septembre. (735, rue Saint-Joseph Est)