Benoit Aquin : Faire le deuil de Dieu
Arts visuels

Benoit Aquin : Faire le deuil de Dieu

Avec son appareil photo, Benoit Aquin a documenté l’horreur du tremblement de terre à Haïti. Images de l’incompréhensible.

Soyons clair: Dieu n’existe pas. Ou s’il existe, il est sourd, aveugle, impuissant et, la plupart du temps, absolument stupide. C’est la seule conclusion que nous puissions tirer devant les photos de Benoit Aquin prises en Haïti après l’effroyable tremblement de terre survenu le 12 janvier 2010 à 16 heures 53 minutes et qui a fait 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 million de sans-abris.

Cela est particulièrement frappant devant cette image montrant un autobus haïtien sur lequel sont écrits les mots (ironiques maintenant) "Merci Seigneur"… Et ce pays est loin d’en être à son premier malheur. Depuis son indépendance en 1804, acceptée par la France en échange d’une compensation faramineuse de 150 millions de francs lourds qu’on n’achèvera de payer qu’en 1972, ce qui plongera le pays dans la misère, Haïti a eu son lot de dictateurs, de catastrophes et de politiques inadéquates… Comme l’écrit Benoit Aquin dans un texte de présentation, "depuis plusieurs décennies, les paysans haïtiens ont été affligés par des politiques nationales et internationales néfastes qui les ont appauvris". Alors, comment se fait-il qu’après tout cela, beaucoup d’Haïtiens gardent encore la foi? Mystère.

En 2010, la catastrophe fut telle que certaines images semblent totalement irréelles: rues vidées de toute vie, voitures écrasées, aplaties comme si elles étaient faites en carton, béton armé pulvérisé… Représenté par l’agence Polaris Images à New York, Benoit Aquin a vu ses photos publiées dans des revues et journaux aussi connus que Time Magazine, The Guardian, Glamour, Wired… Il a montré la désertification de la Chine, les effets dévastateurs du tsunami de décembre 2004, les travailleuses du sexe… Voilà une série qui s’inscrit parfaitement dans la tradition de la photographie documentaire de plus en plus rare et de plus en plus nécessaire, alors que de moins en moins de revues en publient.

Certes, nous aurions aimé qu’Aquin présente ses images un peu différemment. Le grand format, le cadre blanc très à la mode qui entoure ces images, tout le dispositif de monstration frôle un peu trop une forme d’esthétisation de la catastrophe. Heureusement, cela est contrecarré par la sensibilité du photographe qui sait montrer et faire sentir sans trop exhiber.

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Pierre Gaudard, Gabor Szilasi, Clara Gutsche, Emmanuelle Léonard