Dipna Horra : Conversations
Lorsque le visiteur entre dans la salle, il fait sombre. L’installation qu’elle contient présente un nombre assez restreint d’objets familiers, épars dans l’espace, comme cette table de cuisine pour quatre, assortie de ses chaises de bois. L’une d’elles l’invite à s’asseoir…
Et voilà, l’expérience commence.
Des mots à peine perceptibles émanent tout doucement des tasses, des soucoupes et de la théière qui reposent sur cette pièce de mobilier: un furtif "My parents came by boat…", proféré avec un accent punjabi, puis le chant d’un enfant, suivi de quelques secondes de silence. Par la suite, sans prévenir, le bruit de morceaux de vaisselle qui se cognent, au ras du sol, surgit… Tiens, le vacarme provient de la bouche du radiateur, dissimulée dans la plinthe du mur. L’avait-on remarquée au départ?
Et le monologue d’il y a quelques secondes à peine, la conversation, reprend incessamment à la table. Car dans l’installation Avaaz, conçue par l’artiste Dipna Horra, s’opère un échange entre l’oeuvre et son témoin. Ce dernier est amené à écouter, à porter attention aux mots qui se disent, à vouloir décrypter leur sens ainsi que celui de l’historiette qui lui est contée.
Par la révélation d’un environnement domestique, soit la salle à manger, de même qu’à partir de bribes d’un récit découpé (l’histoire familiale racontée par son père), Horra évoque la tradition orale, rassembleuse et cérémoniale (le thé servant de prétexte au rituel), souvent perpétuée dans ces lieux devenus espaces intimes. Est ainsi remise en question l’importance vraiment accordée à cette coutume, surtout aujourd’hui. Lorsque le visiteur entre dans la salle, il est ironiquement seul à vivre l’expérience, et à attendre, dans son silence, que se débitent les confidences.
À voir si vous aimez /
L’exposition Ensembles réticulaires, de Marie-Josée Laframboise (à la GAO), les objets-sculptures de Mona Hatoum