Eva Brandl : Des X et des O
Dans RAUM X 4 traversées / crossings d’Eva Brandl, on suit un parcours circulaire ponctué d’intersections de possibles à l’intérieur d’une impossibilité.
Raum. Un terme allemand qui veut dire "espace", mais qui peut aussi faire allusion à la pensée; il y a les territoires externes, ainsi que ceux de l’esprit, également fertiles. Eva Brandl s’intéresse aux deux. "L’espace, c’est mon canevas. J’habite un lieu. En ce sens, je travaille avec les entrées, les sorties, les parcours physiques… Tout ça est important."
Même dans le titre de l’exposition, RAUM X 4 traversées / crossings, rien n’est laissé au hasard. Le X forme quatre espaces qu’on retrouve en galerie. "Ça se recoupe. Il y a beaucoup d’intersections, de choses adjacentes. C’est comme des mots sur une page. Plus on en ajoute, plus ça se complexifie."
Pourtant, les mises en situation de cette artiste montréalaise d’origine allemande sont minimalistes. "On m’a beaucoup qualifiée d’artiste d’installation. Ce que je faisais dans les années 80 était beaucoup plus vaste, théâtral. Il y a un travail d’épuration qui s’est fait, en plus d’une réduction d’échelle. Du monumental, c’est passé à du plus intime."
On remarque tout de même une certaine constance: une géométrie sous-jacente – "Ça réapparaît tout le temps. Le cercle, la sphère, le cylindre… ce sont des formes platoniques, mais qui peuvent symboliser beaucoup de choses." – et une réflexion sur l’infini de l’espace-temps. "On se crée nos possibles à l’intérieur d’une impossibilité. C’est ça que l’artiste fait. On est des spéculateurs. On envoie une vision dans le monde."
Pour Eva Brandl, le processus de création est intuitif. "Ça peut partir de la fascination pour un matériau. Parfois, c’est la couleur. Je ne suis pas peintre. Pour moi, la couleur est une matière par sa densité, sa luminosité… Elle peut avoir une présence presque corporelle." Cette dynamique l’amène à former des oppositions (ordre/désordre, familiarité/étrangeté…) qui sont la cause d’une ambivalence chez le spectateur. Ainsi, RAUM X 4 traversées / crossings berce le visiteur dans un étrange cosmos, un peu comme ce pantin entouré de dessins-constellations.
Défier le temps
Par les objets qu’elle comporte, cette expo constitue une rétrospective de l’oeuvre récente d’Eva Brandl. "Ce sont des points, des fragments qui ont marqué les 10 dernières années." Pour l’artiste, cette décennie fut jalonnée de remises en question, entre autres quant à l’aspect sculptural de son travail. "Parler de sculpture dans l’art actuel, ça peut être problématique. Le terme est rendu trop éclaté. Moi, j’appelle ça des pratiques matérielles."
Le tout n’en demeure pas moins insaisissable. Avec des échos d’architecture, de design, d’arts textiles, de photographie et de dessin, le travail d’Eva Brandl défie la catégorisation. "C’est un travail ouvert, visuel, qui relève autant du regard, de la perception que de l’imaginaire." On n’échappe pas à un raum.
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Les installations, la scénographie, le design