Rober Racine : Pays de 152 notes
Un motif qui tient sur une page, un air de plus en plus obsédant qui s’étale dans la durée et l’exigence, un jeune Rober Racine qui se lasse, persévère, se fatigue, se réjouit…
Barbara Garant
Photo : Bernard Lamy
Entre novembre 1978 et mai 1979, Rober Racine donna quatre concerts. Une seule pièce était au programme, les Vexations pour piano d’Érik Satie. L’artiste et auteur bien connu explique sa performance qui, exécutée au début de sa carrière, a marqué l’imaginaire au point qu’on en présente encore les traces 30 ans plus tard: "La particularité de Vexations, c’est que Satie indique sur la partition qu’on doit la jouer 840 fois de suite, sans arrêt. Donc moi, j’ai décidé de jouer cette oeuvre tel que demandé par le compositeur. Sauf que j’en ai mis un peu plus que ce qu’il demandait." Ce "un peu plus", c’est une rigueur mue par un désir de pureté qui poussa Racine à (et ce fut la première fois) interpréter l’oeuvre dans son intégralité et sans compromis. "Je ne mangeais pas, je ne buvais pas, je ne me levais même pas pour aller à la toilette", spécifie-t-il. Alors que régulièrement dans le monde des équipes de pianistes relèvent le défi, il voulut tenter l’aventure seul. Il y parvint en 14 heures.
Rober Racine est un des artistes invités à participer à TraficART. La biennale propose de revisiter sa performance à la galerie Séquence. C’est par une captation vidéo de l’époque et divers documents que vous pourrez explorer ce pays singulier. "C’est vraiment comme faire un voyage. J’ai visité Vexations. Je l’ai visité quatre fois, et c’est un pays que je trouve fascinant", poétise Racine. Dans le but de faire une "exhibition silencieuse de l’oeuvre", l’artiste retranscrivait la partition 840 fois à la main sur 840 pages, et chaque spectateur présent recevait une copie en guise de programme. Il inscrivait sur chaque page une numérotation de 1 à 152, pour correspondre au nombre de notes du thème musical. Une fois au piano, "le plus gros défi était de compter les 840 fois", dit-il. L’exposition témoigne des brillants stratagèmes développés à cet effet. Racine a cherché longtemps la symbolique du 840 de Satie, de la numérologie à l’ordre mystique de la Rose-Croix. Mais le mystère reste complet sur sa signification réelle.
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Érik Satie, le piano, la performance