Christina Battle : Exercice mnémonique
Avec Mémoire classée de Christina Battle, la paranoïa s’installe à la Galerie d’art Foreman. Attention: on nous observe…
En se penchant sur l’histoire des activités de surveillance, sur le rôle qu’elles ont joué dans nos vies, Christina Battle ravive une paranoïa qui semblait appartenir au passé. "En tentant de savoir comment elle a commencé, on peut mieux la comprendre", explique l’artiste originaire d’Edmonton, comme pour nous rassurer… Vaine tentative.
Ses recherches l’ont menée jusqu’aux archives du FBI, qui se déploient sur les trois écrans d’une installation vidéo. Ce triptyque animé constitue la pièce maîtresse de l’exposition Mémoire classée. "Tout le texte qu’on y voit concerne principalement des gens qui luttaient pour les droits civils dans les années 50, comme Martin Luther King, Malcolm X… Ils étaient surveillés à l’époque et aujourd’hui, ce sont des héros. Il y a une mince ligne entre les bons et les méchants."
L’oeuvre comporte donc beaucoup d’extraits écrits, mais il y a peu à lire. "Tout fut rendu public, mais la majorité des informations est noircie, déplore l’artiste. C’est donc plutôt ennuyant. On y rapporte des conversations très banales. J’imagine que tout ce qui était intéressant a été biffé, censuré." La projection, qui dure environ 15 minutes, trouve son rythme en étant entrecoupée de fragments d’un vieux film éducatif qui montre comment devenir une bonne secrétaire. "Je suis intéressée par la manière dont on archive notre histoire afin qu’elle soit utile pour les générations futures. J’aimais donc ces images dans lesquelles les femmes, tels des employés à la chaîne, classent les documents."
Autre élément qui revient dans le triptyque: des oiseaux. "Je pense souvent en fonction d’un équilibre naturel. J’ai donc souvent des oiseaux et des chauves-souris dans mes oeuvres. Peut-être parce qu’ils peuvent voir les choses des airs, dans leur ensemble. J’ai d’ailleurs fait des recherches quant à leur utilisation pendant la guerre froide. On en faisait des outils de surveillance grâce à de petites caméras qu’on fixait à leurs pattes." Big Brother peut avoir des ailes…
VIE PRIVÉE/VIE PUBLIQUE
La dualité entre vie privée et vie publique est au coeur de cette exposition conçue à partir d’archives, mais au sujet bien actuel. "Les caméras de surveillance sont nombreuses dans les villes. Ce n’est plus juste les activistes qui sont suivis, c’est tout le monde. Il faut en être conscients", raisonne l’artiste, également enseignante au Département d’études cinématographiques de l’Université du Colorado.
Pourtant, lorsqu’on constate la popularité de Facebook et des cellulaires, force est de penser qu’on tire peu de leçons du passé. "Les gens ont toujours eu peur que les technologies briment leur vie privée, mais cela fait partie de l’utilisation des moyens de communication. Dès le départ, le téléphone n’était pas privé. Il est donc difficile de concevoir que ça le soit aujourd’hui, avec la manière dont les satellites et les cellulaires fonctionnent." La prudence est de mise.
À voir si vous aimez /
Les installations vidéo, les archives