Le Grand Silence / Mylène Gervais : La mort qui transforme la vie
Les yeux pétillants et le sourire aux lèvres, l’artiste Mylène Gervais mord dans la vie à pleines dents. Pourtant, sa nouvelle exposition Le Grand Silence, présentée à la Galerie d’art du Parc dans le cadre du Festival international de la poésie de Trois-Rivières, porte une fois de plus sur la mort…
Mylène Gervais est reconnue pour ses expositions percutantes, voire choquantes. "Je suis l’antithèse de mon travail: hyper positive et super dynamique. Si je n’étais pas comme ça, ça me détruirait de travailler sur un sujet comme la mort. D’ailleurs, quand j’ai monté cette expo, je suis devenue un peu hypocondriaque", lance-t-elle, mi-figue, mi-raisin.
En 2007, l’artiste trifluvienne dénonçait déjà le malaise de la société face à la mort à travers son exposition Chrysalide, qui présentait une installation de sacs de morgue, un élément visuel qui revient dans Le Grand Silence. "Parce que quoi qu’il nous arrive dans la vie, on passera tous dans ce sac", explique la jeune femme qui avait envie de retravailler le body bag d’une façon différente. L’exposition suggère une réflexion sur le sort qui nous attend et sur la valeur de la vie humaine, à l’heure où des milliers de corps sont régulièrement exposés dans les médias.
LA MORT EN POÉSIE
Réalisée dans le cadre du Festival international de la poésie de Trois-Rivières (FIPTR), l’exposition combine estampe et art numérique, qui se combinent aux textes de Monique Juteau afin d’exprimer ce qui mène au grand silence.
Pour l’écrivaine trifluvienne, il s’agissait d’une première. "Habituellement, je regarde ce que l’artiste fait, puis j’écris. Avec Mylène, on est parties d’une idée, on en a discuté, et on a travaillé ensemble", raconte la femme qui a dû sortir de sa zone de confort puisque ses écrits sont habituellement plus ludiques. Ce qui, au départ, devait être seulement une phrase s’est rapidement transformé en 12 fragments de texte, quelques petits vers ici et là, en plus d’un enregistrement sonore.
Si Mylène Gervais a souvent collaboré avec des écrivains et des poètes, il s’agit de sa première participation au FIPTR, et elle apprécie l’entrelacement des aspects littéraire et visuel. "Par exemple, sans les textes de Monique, la dernière pièce de l’exposition ne vit pas… Elle vit seulement par la collaboration des deux", affirme-t-elle, faisant référence à l’enregistrement sonore diffusé en boucle.
Malgré l’austérité du thème, le parcours est plutôt sympathique. "Si le sujet avait été traité avec lourdeur, les gens ne seraient pas entrés. On a voulu que ce soit comme un piège: les premières pièces ne sont pas choquantes, mais après, le visiteur est confronté."
Pour éviter toute confusion entre les morts et les vivants, le visiteur est d’abord invité dans le "secrétariat du grand silence" pour y signer un registre, certifiant ainsi qu’il est bel et bien en vie, et pourquoi. "Parce que je suis encore capable de m’émouvoir, de rire, de penser et de rêver", ou encore "parce que je peux respirer les vents de liberté", peut-on lire en feuilletant le grand cahier qui se veut une sorte d’ode à la vie. "En parlant de la mort, on parle intrinsèquement de la vie", souligne l’artiste qui partage sa carrière entre l’enseignement, les expositions solos et les expositions de groupe, ici et à l’étranger.
De plus, le visiteur peut participer à l’installation en consignant, sur une étiquette de morgue, ce qu’il souhaite apporter dans l’au-delà. Et s’il désire vivre l’expérience jusqu’au bout, il peut se hisser sur une civière et refermer sur lui la fermeture éclair d’une housse de morgue. Une façon, selon Mylène Gervais, de vivre une avant-première et d’être confronté à sa propre mort. "Ça fait prendre conscience de ce qui est important maintenant, quand tu es vivant. Tu ne peux pas sortir de cette exposition sans que ça ait transformé quelque chose dans ta vie", garantit-elle.
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