Milutin Gubash : Tell them
Milutin Gubash a choisi pour muse le dictateur Tito dans une recherche sur ses origines et sur les causes de son déracinement patrimonial.
Tout d’abord, pour apprécier pleinement le travail de Milutin Gubash, il faut savoir que le Montréalais est d’origine serbe. Parce que sa démarche artistique apparaît comme une fouille identitaire passant par une tentative de reconnexion avec une société qu’il n’a jamais connue. Celle que ses parents ont quittée alors qu’il était un tout jeune enfant. Celle dans laquelle les individus subissaient quotidiennement une répression politique anéantissant le naturel dans les rapports humains. Celle que l’artiste comprend à travers des anecdotes familiales et deux séjours effectués dans son pays natal. Dans son exposition Tito mon ami et d’autres histoires présentée au Centre SAGAMIE, il illustre à sa manière l’illusion du régime communiste dans la Yougoslavie des années 1960. L’occupation de l’espace de la salle, la présence de blocs blancs de différentes tailles (l’un d’eux devient vidéo sculpturale) et l’éclairage tamisé concourent à créer un climat froid et impersonnel. Pourtant, les personnes filmées dans les trois vidéos sont en majeure partie des parents et amis de Gubash. Dans Hotel Tito, la mère de l’artiste raconte sa nuit de noces cauchemardesque. Une reconstitution des événements vient appuyer l’histoire avec un humour grinçant. Rappelant une télésérie du bloc de l’Est qui aurait mal vieilli, cette dernière est doublée en français et contient quelques éléments croustillants (tel l’artiste costumé incarnant un âne attaché à la bécosse!). Ayant attiré l’attention dès l’entrée de la salle, le projet These Paintings propose quant à lui une réflexion sur le sort d’un peintre abstrait oppressé par un parti encensant le réalisme socialiste. On découvre des reproductions d’oeuvres de Slobodan "Boki" Radovanovic effectuées par Gubash d’après les souvenirs de quelques proches. Après avoir été déclaré malade mental, interné puis libéré, le peintre s’exila aux États-Unis. Gubash a filmé sa femme parlant du peintre; "Tell them", l’entend-on lui dire hors champ. Nous dire quoi? Tous ces gens brisés et les rêves effrités…
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