Rouge Cabaret: Otto Dix : Dix sur dix
Arts visuels

Rouge Cabaret: Otto Dix : Dix sur dix

L’expo Rouge Cabaret: Le monde effroyable et beau d’Otto Dix est une des grandes réussites de la saison. Une oeuvre incontournable, impeccablement présentée.

Pourquoi monter une expo sur le peintre Otto Dix (1891-1969)? Car, comme le dit la directrice du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), Nathalie Bondil, ce peintre est tout à fait d’actualité. Son oeuvre nous parle de la folie de la guerre, de ses blessés, amputés et même défigurés (les gueules cassées), de ses victimes collatérales (femmes se prostituant, meurtres à connotation sexuelle…), sujets malheureusement encore très contemporains. Mais il faudrait aussi expliquer comment Dix nous parle de la montée de l’intolérance dans un pays (l’Allemagne) qui semblait pourtant bien progressiste.

Voilà un propos essentiel alors que nous-mêmes vivons une époque trouble où l’extrême droite et la droite très conservatrice remontent un peu partout, aussi et surtout, paradoxalement, en cette Europe qui a pourtant vécu les affres du nazisme. N’oublions pas (comme nous le soulignait un des conservateurs du MBAM, Stéphane Aquin) que le gouvernement nazi fut élu par la population de l’époque. Comme quoi il faut faire attention au moment de voter… C’est ce qu’il faudrait rappeler à beaucoup de citoyens de l’Europe ces temps-ci, continent où l’extrême droite prolifère (elle vient même de faire son entrée au Parlement de la Suède, avec 20 sièges sur 349, pays où pourtant les sociaux-démocrates ont dominé la scène politique durant un siècle).

Rouge Cabaret: Le monde effroyable et beau d’Otto Dix nous parle aussi du désir d’engagement d’un artiste (chose assez rare de nos jours) avec un art dérangeant, d’une fascinante laideur ou, pour reprendre des mots du titre de cette expo, d’une effroyable beauté (bien loin du joli si à la mode présentement)… Bref, cet artiste pourrait être une leçon pour bien des créateurs actuels. Une oeuvre qui permet d’avoir un repère en art contemporain afin d’effectuer une relecture positive de certains artistes, comme les frères Chapman (et leur pièce Fucking Hell de 2008 montrant les horreurs de l’Holocauste), ou une relecture négative de certains autres, comme Lisa Yuskavage ou John Currin, dont les portraits semblent totalement insignifiants à côté de ceux de Dix.

Lors de sa présentation cet été à New York, à la Neue Galerie (institution dédiée à l’art allemand et autrichien du 20e siècle, créée par Ronald Steven Lauder, collectionneur héritier d’une compagnie de cosmétiques), la critique (entre autres, celle de Roberta Smith dans The New York Times) avait fait remarquer que cette expo manquait d’organisation chronologique et semblait trop petite. Voilà qui est en grande partie corrigé à Montréal avec une présentation qui suit le déroulement de l’Histoire et dans laquelle sont inclus un nombre impressionnant d’informations sur l’entre-deux-guerres et de documents d’époque, dont plusieurs extraits de films.

Le seul reproche que nous pourrions faire à cet événement est que nous aurions aimé voir, nous aussi, encore plus d’oeuvres de cet artiste. Cette présentation n’est malheureusement pas une rétrospective de l’oeuvre de Dix, mais plutôt une lecture de son art réalisé entre 1919 et 1939. Néanmoins, c’est l’expo à voir cet automne. À ne rater sous aucun prétexte.

À voir si vous aimez /
L’expo Les Années 30 au Musée des beaux-arts d’Ottawa en 2008