Artur Zmijewski : Viser large
Artur Zmijewski (commissaire de la septième biennale d’art contemporain de Berlin en 2012) fait un art qui tente d’éveiller les citoyens. Atteint-il sa cible?
Sur un des murs de la Galerie de l’UQAM, accompagnant l’installation vidéo Democracies, vous pourrez lire la phrase suivante, provenant du texte Applied Social Arts écrit par Artur Zmijewski (www.krytykapolityczna.pl/english/applied-social-arts/menu-id-113.html): "L’art contemporain a-t-il un impact social, une effectivité politique?"
À cette interrogation, très large et très vague, nous devons répondre que cela dépend de l’artiste, de l’oeuvre… et de leur intelligence. À cette question il faudrait en ajouter d’autres. Les intellectuels ont-ils un impact social et politique? Dans des États ou l’argent dicte souvent ses lois aux gouvernements, les citoyens ont-ils un impact réel sur ceux-ci une fois les élections passées? Mais là encore, il faudrait répondre que cela dépend des intellectuels, des dirigeants, des citoyens et surtout du contexte sociopolitique où ils vivent…
Poser, comme le fait Zmijewski, la question des liens entre l’art et la société d’une manière si générale, c’est déjà une façon de biaiser et d’appauvrir le débat. Il faudrait plutôt se demander dans quelles conditions des oeuvres ont réussi à avoir un effet sur les gens et le politique… Et il faudrait aussi se poser une autre question plus importante: pourquoi vouloir nécessairement pour l’art une telle efficacité et rentabilité (digne du système capitaliste)? Pourquoi ne pas penser l’art en termes d’affect individuel plutôt que d’une manière si générale (et très moderne, en évacuant la notion du micro-politique que la postmodernité a développée)? À travers cette notion d’un "art utilitaire" (ce sont ses mots), Zmijewski simplifie bien trop la notion d’art et ses liens avec les individus.
Ses oeuvres témoignent de cette simplification. Un exemple: la vidéo Them, qui confronte "quatre groupes sociaux antagonistes" dans "une activité de création picturale" où chacun efface l’image créée par l’autre… Quelle conclusion tirer de cette pseudo-expérience? L’impossibilité du dialogue en société? Que l’art ne permet pas non plus ce dialogue? Que l’artiste-voyeur et non impliqué (que Zmijewski représente dans cette vidéo) devrait intervenir pour élever le débat? Étant donné que c’est Zmijewski lui-même qui a instauré les conditions pauvres de cette mauvaise rencontre, les conclusions nous semblent par essence peu intéressantes.
Et que prouve la vidéo 80064, montrant cet homme de 92 ans se faisant retatouer son numéro de prisonnier à Auschwitz? Que l’on peut abuser facilement les gens? Que la psychanalyse a tort et que le fait de rejouer ou de se remémorer un événement ne fait pas revenir de souvenirs profonds? Voilà une interprétation superficielle de la psychanalyse…
Plus souvent qu’autrement, une oeuvre faussement profonde et simpliste.
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