Marie-Claude Bouthillier : Naviguer sur la toile
Marie-Claude Bouthillier a bâti un petit théâtre pictural, mise en scène totalement réussie traitant du pouvoir évocateur de la peinture. Une expo majeure.
Le travail pictural de Marie-Claude Bouthillier trouve une intensité accrue lorsqu’elle le développe en installation. Il faut dire que le tableau-objet (et la sculpture-objet), totalement autonome, est devenu de nos jours un phénomène presque secondaire. Les artistes, même ceux qui ne font pas d’installation, pensent presque toujours à s’insérer dans un contexte, celui du lieu où leur oeuvre est montrée et, plus généralement, celui de l’histoire de l’art avec laquelle ils dialoguent. Notre postmodernité souligne l’importance de ce contexte de présentation, les liens entre l’art et un lieu (l’art in situ), entre l’art et son spectateur ou entre l’art et son histoire. Pas d’oeuvre qui ne soit en fait une intervention dans un cadre sociohistorique.
Dans le ventre de la baleine, la plus récente expo de Bouthillier, est une installation qui réfléchit particulièrement au contexte historique de la peinture. Comme le dit le communiqué de presse, cette expo dialogue entre autres avec l’image sacrée de l’atelier de l’artiste. Mais ce serait réduire cette oeuvre que de dire qu’elle est simplement une énième interprétation de ce lieu mythique… D’autres références et citations (pas seulement picturales) pourraient tout aussi bien fonctionner (telles les cellules de Louise Bourgeois).
Ce qui est vraiment passionnant dans cette intervention de Bouthillier, c’est le fait qu’elle pousse plus loin une réflexion sur la peinture qu’elle avait développée dans sa formidable expo intitulée Demande à la peinture (en 1997 chez Trois Points). Elle y mettait en scène toutes les manières de faire de la peinture, de la figuration au monochrome. Poursuivant sa réflexion formelle sur la peinture et son histoire, Bouthillier donne ici à voir toutes les manières de se servir de la toile. Dans un coin, elle est froissée, chiffonnée. Dans un autre, elle est plissée. Mais elle est aussi pliée (recouvrant un lit), simplement abandonnée sur le sol, étalée, parfois découpée, effilochée, suspendue (à un cintre ou à un clou) et bien sûr tendue sur un cadre… Le support de la peinture est ici décliné de toutes les manières possibles afin de montrer comment cette simple matière, la toile, peut aussi devenir le support d’images et de l’imagination. Une installation qui réaffirme que la peinture fait toujours rêver.
Une des meilleures expos de l’artiste. Un des meilleurs solos de l’année.
À voir si vous aimez /
Yayoi Kusama