Dieu(x), modes d’emploi : L'indicible et l'innommable
Arts visuels

Dieu(x), modes d’emploi : L’indicible et l’innommable

La nouvelle exposition présentée au Musée de la civilisation, Dieu(x), modes d’emploi, suit la déferlante des célèbres "accommodements raisonnables".

Susciter le débat tout en permettant la communion et l’échange entre les différentes cultures, voilà les visées qui ont inspiré les concepteurs de cette captivante exposition. Sans doute qu’une des belles réussites de cette dernière a justement été de rendre compte très respectueusement de ce sujet délicat en composant avec une ardente difficulté: les profondes distinctions qui existent entre les religions et les cultures. À ce titre, le rendu matériel de l’exposition sera assez certainement apprécié: voiles vaporeux et éclairages satinés y sont utilisés à bon escient. Bref, la muséographie basée sur le cercle et la lumière comme éléments fondamentaux de la mystique parvient à esthétiser le propos avec finesse. Sinon, en mêlant le patrimoine immatériel (témoignages, musique) aux bornes interactives et artefacts actuels de façon équilibrée, on y propose un magnifique tour de piste des religions de l’humanité.

Inversement, parfois, on aura l’impression que la volonté d’une compréhension trop analytique du sacré tend à désincarner les croyances et à mener, par une suggestion imprévue, à une synthèse confuse. Par exemple, le visiteur moins circonspect pourrait être invité à voir dans le propos de l’exposition – et ce, jusque dans son titre – des visées syncrétiques qui semblent insinuer que les religions sont, à peu de chose près, équivalentes. Une dérive qui aura pour effet de diminuer l’importance des schismes véritables qui existent entre les grandes théologies: soit leurs divisions sur les questions éthiques ou morales.

C’est le coeur de notre critique: le caractère profondément subversif de la foi et son potentiel révolutionnaire ou sa remise en question constante semblent, en général, évacués. Cela, tout autant que les polémiques insolubles sur les notions de justice et de droits des femmes, qui demeurent sciemment laissées en suspens. Bien entendu, on ne peut contester que cette volonté humaniste de se concentrer sur l’aspect favorable des religions soit noble, mais n’y a-t-il pas un travers à vouloir oblitérer ses dimensions les plus controversées?

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