Noémie Payant-Hébert : Merveilleux désenchantement
Arts visuels

Noémie Payant-Hébert : Merveilleux désenchantement

Noémie Payant-Hébert nous offre une nouvelle installation poétique dans laquelle l’extérieur et l’intérieur, la nature et le logis jouent les rôles principaux.

Au pays des merveilles de Noémie Payant-Hébert, le visiteur trouve l’enchantement et le trouble au même endroit. Son exposition Running Rabbits: Chantier d’avenir, présentée au Centre Sagamie, transporte dans un boisé halluciné où l’esthétique de la mise en scène travaille à créer une impression que quelque chose cloche. Sur ce chantier forestier cherchant les reliefs d’une fiction cinématographique, le faux emprunte au vrai et vice versa. De vrais conifères formant une forêt factice, de vraies bêtes naturalisées en une fausse débandade, une vraie cabane habitée par un homme virtuel…

Six lapins figés dans une course surréelle ont avalé des haut-parleurs diffusant une musique qui tient au ventre. Où fuient donc ces adorables léporidés? Les rongeurs seraient-ils rongés par la peur de voir leur forêt détruite? On pourrait le croire à en juger par la vidéo projetée sur une cimaise tout près. Des silhouettes d’arbres tombent, comme si quelqu’un abusait de la scie mécanique. À l’autre extrémité de la salle, une futaie fictive s’érige, formée de sapins sciés en deux de la cime au tronc et plantés dans une base de bois. Une étrange pièce de théâtre s’apprête peut-être à se dérouler sous nos yeux, dans cette scénographie colorée. Payant-Hébert a littéralement construit une petite cahute dans la salle d’exposition, avec porte, fenêtres et toit. On aperçoit en sursautant quelqu’un à l’intérieur, un homme semblant écouter de la musique. Alors que l’on s’approche de l’installation filmique, que l’on épie à travers les stores à demi fermés, que l’on observe cet individu absorbé dans sa solitude, la sensation de se trouver dans la peau d’un voyeur persiste. C’est en longeant les murs jusqu’en arrière de la maison que l’invité clandestin découvre l’envers du décor. Comme sur un plateau de cinéma, ce qui semblait réel dévoile son revers, et dans l’angle mort apparaît le mur manquant, coulisses béantes de la représentation.

Noémie Payant-Hébert, artiste originaire de Sherbrooke et installée depuis plusieurs années au Saguenay-Lac-Saint-Jean, est membre du collectif Cédule 40 et développe une pratique individuelle explorant une conciliation entre la projection et les arts plastiques. Running Rabbits: Chantier d’avenir présente ses plus récentes recherches, nées d’une résidence de création au centre de production Daïmon. Moins percutante que sa précédente exposition – Théo, Taureau et Turquoise: faire tomber les oiseaux, que vous avez pu voir à la galerie Séquence en 2008 -, celle-ci développe néanmoins une partie intéressante du langage plastique de l’artiste. Entre autres, l’intégration de deux collaborateurs s’avère stimulante. Il s’agit de Renaud Payant-Hébert, son frère, qui a composé le paysage sonore, ainsi que d’un taxidermiste. À voir.

À voir si vous aimez /
L’installation vidéo, les lots à bois, les lapins