Yan Giguère : Images sans prises, éprises
Se laisser porter par une rivière de souvenirs tandis que le regard flotte doucement sur les flots d’images de Yan Giguère.
La galerie Séquence reçoit le photographe Yan Giguère, qui présente les corpus Choisir, Attractions et Chavirer. Une explosion d’images qui, a priori, semblent choisies de manière chaotique, mais se révèlent judicieusement assemblées pour leurs qualités formelles et leurs sujets. Le sentiment grandit d’être tombé sur la boîte de photos tout à fait hétéroclites d’un inconnu, que l’on a étalées dans l’espace pour formuler un récit impossible. Certaines deviennent abstraites, d’autres vertige, toutes en appellent au mystère. La plupart sont en noir et blanc et quelques-unes en couleur. L’artiste a pris ces centaines de clichés avec différents appareils photo argentiques, dont il fait la collection, ce qui confère une tendre aura de passé à l’ensemble. Les formats très variables tendent à orienter la lecture, qui ne peut être que fort différente d’une personne à l’autre, étant donné la place majeure laissée à l’influence de la mémoire. Nous ne sommes pas ici devant une représentation pour la représentation, mais bien devant un amour de l’image photographique et de son pouvoir d’évocation. La nature si intime des oeuvres (celles formant l’ensemble Choisir viennent de l’album personnel de Giguère) contraste avec l’impression impersonnelle qui s’en dégage, c’est-à-dire leur étrangeté pour nous. On pénètre dans l’impalpable domaine du souvenir (ou de l’oubli?), piqué par mille détails sans réussir à s’accrocher à quelque chose de tangible. Flashs de la mémoire, sensations fugitives, énigmes caressantes… Il reste à se perdre, à faire un voyage cognitif sur ce territoire ambigu.
Des extraits de Chavirer occupent l’entrée de la galerie. Issues d’une recherche mettant en question l’objectivité prétendue de la photographie, ces oeuvres développent des textures plus abstraites. S’abîmer dans la contemplation de l’eau jusqu’à ce que les vagues deviennent un motif, ou confondre gouttes d’eau et cosmos. La salle 2 contient Attractions, un corpus s’attardant à l’idée du jardin avec beaucoup de sensualité. Rosée, terre, statues, fleurs, machines, structures, poutres, poupées… Une flore colorée imprime ses halos sur la rétine. Des secrets creusent des sillons profonds dans le coeur pour le temps des semences. La pierre nous parle. Choisir termine ce parcours sous l’angle du sentiment amoureux. Comme déjà mentionné, les photographies qui le composent étaient, à la base, privées. Giguère parle à travers elles de l’amour entre deux êtres, mais également de l’amour de la création, sa conjointe étant elle aussi, on le comprend, une artiste. Le visage de cette dernière imprègne la salle, comme un personnage omniprésent traversant les rêves de toute une nuit. Les compositions de Yan Giguère intriguent; elles permettent à l’esprit d’emprunter plusieurs chemins, dont la trace s’efface à l’instant où le pas s’évanouit.
À voir si vous aimez /
Gabriel Coutu-Dumont, Pascal Grandmaison, la flore québécoise