Nathalie Daoust : Laboratoire d’abandon
Happée par la beauté des Alpes suisses, la photographe Nathalie Daoust y met en scène des sentiments qu’elle croyait enfouis.
"Ces derniers temps, je suis allée en Allemagne, en Chine et au Brésil pour des projets." À écouter Nathalie Daoust énumérer ses récentes escales, difficile de mettre en doute l’enracinement de la carrière internationale de cette artiste montréalaise. "J’ai aussi un studio à Berlin; je fais des trucs là-bas." Ses trucs, ce sont des photographies qui échappent à une certaine réalité et qu’elle confectionne avec une rare expertise. "Je manipule beaucoup les images. Je suis surtout une photographe de laboratoire. La prise de vue, c’est important pour moi, mais ce n’est pas là que la magie sort."
Magie il y a dans l’exposition Frozen in Time, Switzerland – Entre inquiétude et légèreté, fruit inattendu d’une résidence que Nathalie Daoust a faite près des Alpes suisses. "Initialement, les Alpes ne m’intéressaient pas. Le concept que j’avais présenté, c’était des portraits, mais un ami venu me visiter voulait qu’on s’y rende." Cette première escapade en montagne fut déterminante pour la suite. "Les paysages, c’est magnifique, mais au centre de tout ça, tu te sens seul, petit et grand à la fois… Plein de sentiments sont sortis. J’ai rapidement réalisé que je ne voulais plus faire de portraits."
Thérapie hors foyer
Toutes les photos de Frozen in Time furent prises à l’aide d’un appareil photo pinhole. "C’est une sorte de boîte avec un petit trou; la lumière y passe difficilement. Ça prend donc de 15 secondes à 2 minutes pour que la photo prenne forme, d’où le mouvement dans l’image. C’est souvent hors foyer; tu peux voir le gazon qui bouge." Toutefois, c’est surtout grâce à l’ajout de couleurs et à la création d’effets en studio que l’artiste réussit à donner un supplément d’âme à ses images aux allures fantastiques. "C’est aussi par la manière dont j’imprime."
Au lieu de porter son regard sur les autres, Nathalie Daoust se retrouve au coeur de son expo. "Sans entrer dans les détails, disons que je ne me sentais pas trop bien avant de partir pour la Suisse. C’est donc devenu une sorte de thérapie par l’art; je prenais les photos selon mes sentiments du moment. C’est la première fois qu’un de mes projets est directement relié à moi. Habituellement, c’est moins intime… et c’est moi qui suis voyeuse."
Ce sont les mises en scène des clichés qui traduisent les états émotionnels de l’artiste. "Sur la moitié des photos, je me mets en scène et pour l’autre moitié, ce sont des gens avec qui je voyageais." Une récurrence s’observe: une femme laissée pour morte, abandonnée dans la nature. "Mais il y a aussi de l’espoir, précise Daoust. Ce n’est pas juste négatif." Le succès de la thérapie en est le gage.
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Échapper à la réalité, la photographie, les mises en scène