Daniel Corbeil : Paradoxal
Règle générale, une maquette constitue une source d’émerveillement pour quiconque prend la peine d’y admirer la finesse des détails. Parce qu’elle simule ou reproduit, elle présente un côté ludique, une sorte de jeu auquel elle convie. Pour un visiteur de passage à la Galerie 101, où l’exposition Paysages morcelés, de Daniel Corbeil, tient l’affiche jusqu’au 19 février, l’expérience est paradoxale. Le jeu auquel il se livre n’a rien de très amusant.
Le modèle réduit d’un paysage terreux jonche le sol. Aucun signe de vie n’y est montré, mais les installations industrielles, elles, abondent. Le visiteur devine, en découvrant par hasard une poignée d’arbres chétifs et dégarnis, que le paysage en question a pu être autrefois plus verdoyant.
Au mur se trouvent des assemblages photographiques, créés à partir de vues en plongée de maquettes représentant des endroits fictifs, tout aussi arides et désertiques. La multitude de morceaux de ruban adhésif bleu qui les recouvre confirme leur statut de cartes géographiques fabriquées de toutes pièces.
Ces maquettes ont, au départ, été conçues d’après les paysages d’une Abitibi ravagée par l’activité minière. Elles n’existent plus. Selon le texte qui accompagne l’exposition, Corbeil les a perdues dans un incendie de studio après avoir consacré 13 ans à leur réalisation. De quoi mettre en abyme les concepts de perte et de désolation qui règnent déjà dans toute la présentation.
Car c’est bien ce que le corpus rappelle: désolation du paysage et désolation humaine, désolation de contempler un lieu détruit par des activités d’extraction. Sans compter que l’exposition, qui a tout pour stimuler la réflexion, s’insère ô combien dans le contexte actuel.
La mise en abyme est efficace. Et encore plus paradoxal est le fait que l’artiste a réussi, par le procédé de simulation, à faire plonger dans cette désolation.
À voir si vous aimez /
Louis Helbig, Edward Burtynsky