Martha Wilson : Nous sommes tous des drags
Arts visuels

Martha Wilson : Nous sommes tous des drags

L’expo Martha Wilson: êtres à l’oeuvre fait le bilan de la carrière d’une artiste majeure. Un art engagé, intelligent, formellement riche et qui nous concerne tous.

Avant Cindy Sherman, plusieurs artistes ont interrogé l’image de la femme. À travers des autofictions visuelles, de faux autoportraits, elles ont énoncé comment les identités sexuelles sont des constructions, des images sociales auxquelles il faut se conformer ou tenter de déroger. Dans les années 70, plusieurs créatrices ont travaillé sur ces thèmes et, de nos jours, elles ne sont pas assez reconnues: Eleanor Antin, Lynn Hershman (alias Roberta Breitmore), Suzy Lake… Et il y eut aussi Martha Wilson.

Née en Pennsylvanie, Wilson fit des études et enseigna à Halifax avant de déménager en 1974 à New York, où elle fonda la galerie Franklin Furnace. Elle fit des performances au Whitney Museum, à P.S.1… Dès 1971, l’artiste s’est attachée (entre autres dans sa série A Portfolio of Models réalisée en 1974) à incarner, pour les déconstruire, des modèles de femmes: la femme au foyer, la mère, la workaholic, la lesbienne… Dans d’autres images, elle se transforme en travesti, en homme, en femme vieillissante. Dans des vidéos et performances, elle a effectué des parodies décapantes de femmes de présidents et d’un vice-président: Nancy Reagan, Barbara Bush, Tipper Gore. Dans un étrange retournement de situation, ces caricatures plus vraies que nature nous amènent presque à voir ces femmes célèbres comme des actrices, des "personnificatrices" de femmes de politiciens, des personnes costumées incarnant un rôle.

Dans chacune des interventions de Wilson, nous pouvons comprendre comment l’identité n’est pas vraiment de l’ordre du naturel, mais un code (historique) que nous jouons. Et ces questions nous concernent tous. L’art féministe n’est pas que pour les femmes. L’identité masculine est aussi majoritairement une construction, un code naturalisé.

Cette expo, commissariée par Peter Dykhuis, permet aussi de mieux connaître les activités de Franklin Furnace. Wilson fonda cet organisme en 1976 et le dirigea jusqu’en 1996, avant que ce lieu de diffusion ne devienne un espace d’exposition virtuel (www.franklinfurnace.org). Cette institution a permis à bien des artistes d’exposer pour la première fois à New York: Ida Applebroog, Dara Birnbaum, Jenny Holzer, Barbara Kruger, Krzysztof Wodiczko… Elle permit aussi de montrer bien des artistes de la performance: Vito Acconci, Laurie Anderson… Pour cette présentation, Wilson a choisi trente projets retraçant les activités d’artistes très connus et parfois méconnus.

Une expo doublement incontournable.

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Cindy Sherman