Simon Bilodeau : Le contenant comme contenu
Dans Le monde est un zombie, Simon Bilodeau poursuit son appropriation et sa critique du monde capitaliste. Une oeuvre riche.
Un de ces immenses conteneurs qui, depuis les années 50, servent à transporter des marchandises à travers le monde: voilà ce que Simon Bilodeau a recréé au coeur de son expo. Peint en blanc, vu de face, il fera presque penser à un monochrome de l’art moderne. Posé sur un socle, ce conteneur a des airs de monument à la gloire du capitalisme et de la libre circulation des produits de consommation. Développée (et non inventée) par l’États-Unien Malcom McLean (en 1956), cette boîte magique a changé le commerce, en particulier en réduisant le temps des escales des bateaux. De nos jours, elle permet 90 % des échanges internationaux et a uniformisé la manière de les faire.
Comme le dit intelligemment le texte de présentation (signé par la commissaire Katrie Chagnon), l’oeuvre de Bilodeau parle de la capacité de l’art à "détourner la logique de rendement économique" et de l’apparente "dépense improductive" qu’il représente. Ce conteneur peut cependant aussi faire référence à l’uniformisation de l’art contemporain, au modèle occidental qui a été distribué partout sur la planète. Cette oeuvre parle aussi de la marchandisation de l’art et de la fascination actuelle pour de nouveaux marchés (artistiques), comme la Chine ou l’Inde. L’art n’échappe malheureusement pas à la récupération par le commerce. Tout (ou presque) est marchandise prête à être expédiée à l’autre bout de la planète. Dans le conteneur de Bilodeau, la présence de formes faites de miroirs, qui peuvent faire penser à des diamants, dit l’art comme objet de fascination, comme n’importe quelle chose à la mode ou produit de consommation.
En face de ce conteneur, des tableaux montrant des avions de guerre et des explosions nous rappellent comment cette libre circulation des produits se fait dans le cadre de rapports de pouvoir violents, de luttes économiques, politiques et même parfois militaires. Voilà une oeuvre ancrée dans le réel et pas si proche du "danger de voir peu à peu le monde matériel disparaître et de ne plus pouvoir échapper aux simulacres" (phrase d’un des panneaux de présentation).
Certes, Bilodeau n’est pas le premier (et ne sera pas le dernier) à détourner ainsi des conteneurs. Des architectes (dont Pierre Morency au Québec) et des artistes (dont Doyon-Demers lors de la Manif d’art à Québec en 2010) s’en sont servis. Mais Bilodeau n’utilise pas le conteneur comme simple forme pratique. Il réussit à nous faire réfléchir aux valeurs qu’il symbolise.
À voir si vous aimez /
Plan B de Doyon-Demers