Fiona Tan : Image de la peinture
L’art vidéo de Fiona Tan, artiste néerlandaise d’origine indonésienne, prend la peinture comme référence. À quelle fin?
Les postmodernes, dans les années 70 et 80 (autant en arts visuels qu’en architecture, où l’expression a pris un envol fabuleux), ont fait un usage immodéré de citations d’oeuvres anciennes. Tentative de récupération et de légitimation? Trop souvent. Nostalgie d’une époque plus héroïque de l’histoire de l’art? Parfois. Désir d’un réel dialogue avec l’art du passé? Heureusement, cela s’est aussi produit. Cette manière (ce maniérisme, chez certains) semblait s’être un peu calmée au tournant des années 2000, et depuis quelques années, elle semble reprendre de l’élan.
À l’évidence, dans les trois oeuvres vidéo de Fiona Tan exposées ces jours-ci à la Galerie de l’UQÀM (Provenance, Rise and Fall et Projection), les images font tableaux. Sont entre autres évoqués la peinture hollandaise du 17e siècle et ses jeux merveilleux sur la lumière (développés chez certains peintres par l’usage de la camera obscura dotée de lentilles). La manière dont Tan fragmente ses récits favorise cette picturalité de l’image vidéo. Le spectateur ne se sent plus totalement absorbé par les péripéties d’un récit, mais plutôt par des atmosphères, des moments-images. Auprès d’un public de cinéphiles, le vidéo Rise and Fall pourra évoquer (malgré d’importantes différences) un croisement entre la lenteur narrative d’In the Mood for Love de Wong Kar-wai et celle de Continental, un film sans fusil de Stéphane Lafleur…
Certes, cette fragmentation du récit est d’une grande importance. Sa première fonction est d’obliger le spectateur à être plus actif dans le processus de consommation de l’image, d’être dans le rôle de décrypteur. Une telle fragmentation évoque aussi une lecture très postmoderne de l’identité, où la notion de morcellement jouerait un grand rôle. L’oeuvre de Tan parle souvent du tiraillement entre le monde visible et le monde d’images-mémoires, d’images-souvenirs que nous portons tous en nous.
Mais une telle réflexion intelligente sur la fragmentation doit-elle nécessairement tomber dans une telle esthétisation de l’image? La beauté n’est certes pas un mal. Surtout que chez Tan, la beauté clichée, celle des pubs ou des films hollywoodiens, est contournée. Mais les images de Tan sont extrêmement léchées et d’une limpidité captivante, une forme d’apologie de la technicité dans laquelle la peinture et le tableau seraient devenus, dans une étrange simplification, le symbole privilégié (ou, pire encore, le refuge) de la réflexion, de l’intimité, d’une intériorité psychologique… C’est cet aspect des choses qui nous dérange.
À voir si vous aimez /
Bill Viola