Expositions d’été au MNBAQ : Comme des pétales d’Orient
Voici enfin l’arrivée des expositions d’été au MNBAQ, deux présentations où l’accent est mis surtout sur le vêtement et les textiles comme moyens de création et d’expression artistique.
Ying Gao et le secret de la beauté
"L’art, c’est l’inscription d’un désir dans la matière." C’est ce qu’a un jour affirmé Claude Gauvreau, poète de génie et critique d’art québécois au regard incisif. Ce sont aussi les mots que nous avons eus en tête pendant la semaine ayant suivi l’impression ressentie devant les créations de Ying Gao exposées au MNBAQ. Constituée des oeuvres récentes de cette designer montréalaise d’origine chinoise, cette présentation nous propose quelques suites de vêtements "intelligents" d’une sobriété (et donc d’une beauté) inattendue.
Difficile d’expliquer ici toute la finesse et la concision de l’esprit qui ont pu commander la création de telles pièces, car ces oeuvres interactives, au confluent de la mode et du design, portent dans leurs replis, formes, matériaux et structures beaucoup trop de mots et de sens. Dans certains cas, c’est la souplesse vaporeuse des étoffes choisies qui parle le langage bouleversant de la fragilité (Indice de l’indifférence, Playtime), dans d’autres, ce sont les plis calculés et animés qui rappellent l’art complexe de l’origami confondu à la simplicité cristalline de l’architecture utopique et moderniste (Walking City). Perfection, encore, dans les formes sinueuses et organiques des Living Pod, ces robes qui, imitant le mouvement lent des méduses, se froissent doucement au contact de la lumière comme pour défendre celles qui les portent… Avec une grâce harmonieuse, ces oeuvres chantent le raffinement extrême d’une âme inscrite dans la matière même du vêtement, s’interrogent avec intelligence sur sa relation au corps et à la ville.
À n’en pas douter, le visiteur attentif saura ressentir et comprendre toute la poésie de ces réalisations dans la présentation en salle raffinée, baignée dans un éclairage délicat où la demi-obscurité s’ajuste aux camaïeux subtils des étoffes. Ajoutez à cela un catalogue proche de la perfection dans tous ses aspects (couverture tactile, textes, typographie, grain des illustrations) et vous avez non seulement une exposition, mais un véritable ravissement.
Diaghilev, le ballet, l’immatériel
Plus que jamais auparavant, avec son exposition majeure de l’été intitulée Les Ballets russes de Diaghilev. Quand l’art danse avec la musique, le MNBAQ tente l’expérience de l’exposition "immatérielle". Un concept récent qui préoccupe grandement le monde de la muséologie. Plus exactement, dans ce cas, il s’agit d’une vaste présentation hybride organisée par le Victoria and Albert Museum et répartie en trois salles où la musique, la vidéo et les costumes des Ballets russes, compagnie d’avant-garde créée par Diaghilev, voisinent avec les oeuvres préparatoires (croquis pour les costumes et arrangements scéniques) ainsi qu’avec le matériel promotionnel et de diffusion (affiches, livres illustrés d’héliogravures).
En lien avec les oeuvres "picturales" et textiles, on trouve plusieurs grands noms (Larionov, Gontcharova, Picasso, Matisse, De Chirico, Coco Chanel) qui, chacun à leur manière, ont su donner vie aux personnages et aux oeuvres de nombreux compositeurs modernes, dont Stravinski demeure une figure emblématique. Autrement, c’est surtout par leurs costumes, dont les motifs et couleurs puisent dans des répertoires formels issus de nombreuses civilisations et très souvent empreints d’exotisme oriental (Chine de l’époque Ming, textiles du Caucase, etc.), que l’on peut sentir la présence de ces créateurs qui demeure, somme toute, assez discrète puisqu’elle est subordonnée à un programme dont ils demeurent les exécutants.
On ne peut faire aucun reproche à l’exposition elle-même ni au catalogue, bien structurés, qui intéresseront à la fois les amateurs des arts de la scène, les aficionados de la mode, sinon les mélomanes. Mais les amateurs de peinture et d’arts graphiques seront un peu déçus, surtout s’ils vont voir cette exposition en souhaitant y trouver la maestria des peintres et des dessinateurs. Peut-être est-ce une affaire de sensibilité, mais la présentation de vidéos et de musique dans un musée me paraît toujours un peu difficile. En fait, cette impression est sans doute due au rythme que doit adopter le visiteur puisque, pour que l’expérience soit complète, on doit s’arrêter et prendre le temps de tout écouter et de tout voir, loin du butinage distrait avec lequel j’avoue avoir plus d’affinités…
À voir si vous aimez /
Archigram (architecture), le cubo-futurisme russe, Black Swan
Ying Gao:
Les Ballets russes de Diaghilev: