Ultra Nan : Intra-muros
Arts visuels

Ultra Nan : Intra-muros

À grands coups d’amour, Ultra Nan et ses p’tits bonhommes revendiquent leur place sur les cimaises… et ils ont gain de cause.

À Sherbrooke, tout le monde connaît le travail d’Ultra Nan (pour qui le centre-ville est un véritable musée à ciel ouvert), mais peu de gens savent qui se cache derrière ce pseudo digne d’un superhéros.

En 2005, il créait un monstre: son premier "p’tit bonhomme". "Il était tout croche, tout laid, et il n’avait rien à dire en plus", se rappelle son créateur. Rapidement, le personnage est devenu une tribune d’expérimentation et d’idéaux (paix, amour, anticapitalisme, écologie…). L’anonymat s’est imposé.

"Encore aujourd’hui, ça fonctionne, clame-t-il. Récemment, j’étais par hasard à côté d’un de mes bonhommes. Une fille est passée et a dit à son chum: "Oh! Regarde, chéri. Moi, j’aime vraiment ça!" J’étais à quelques pieds d’elle. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire et elle m’a demandé si c’était moi l’artiste. J’ai dit non. (Rires.)"

L’anecdote est charmante. Toutefois, c’est en raison de sa pratique qui s’apparente au graffiti qu’Ultra Nan préfère ne pas défiler sous les projecteurs. "Y a des trucs illégaux dans ce que je fais. Pour moi, c’est plus de l’affichage que du graffiti. Un graffiteur peut avoir une approche intéressante, mais j’aime mieux la mienne. L’idée, c’est de vandaliser le moins possible l’environnement, de s’y inscrire pacifiquement." La rumeur veut qu’Ultra Nan soit "toléré" par les autorités. "Il n’y a pas d’entente, mais ça semble être ça. Sauf qu’un matin, un fonctionnaire pourrait juger que c’est inacceptable."

LE FOSSÉ

Tels Banksy et Shepard Fairey, Ultra Nan s’apprête à faire le passage de la rue à la galerie d’art. Dans Un monde en soi, il présente 100 toiles conçues sur de la tapisserie récupérée, dans des cadres disparates. "Le tout forme une seule oeuvre, et ça colle bien au titre de l’expo. Il y a deux grandes lignes: une rupture à la suite d’une histoire amoureuse, mais surtout, la mort de mon père. Des p’tits vides sont apparus; certaines oeuvres relatent ça."

[Moment de silence.] "Quand j’ai accroché mes oeuvres, j’éprouvais un certain malaise, car c’est assez intime. Justement, l’anonymat me permet de garder une certaine pudeur; je ne suis pas prêt à tout partager directement", note-t-il.

Le travail d’Ultra Nan compte beaucoup plus de ramifications qu’on peut l’imaginer, mais c’est le message qui guide le geste artistique. "Sans grande prétention, je fais des p’tits bonhommes qui ont quelque chose à dire. C’est de la vulgarisation. Je fais quelque chose de non élitiste, qui peut parler à tout le monde. C’est une approche plus physique que théorique."

Ainsi, un grand fossé sépare Ultra Nan de ses confrères contemporains, mais le superhéros n’a aucunement l’intention de sauter de l’autre côté. "On a trop souvent associé l’art à l’inaccessible; c’est une erreur, selon moi. Il ne devrait pas y avoir de hiérarchie. Et les subventions, c’est tellement loin de moi. Ma passion, ce n’est pas de remplir des papiers, c’est de créer."

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Les p’tits bonhommes, la revendication, le graffiti