Jean Paul Gaultier : Théâtre de la mode
Après Saint Laurent (en 2008) et Denis Gagnon (en 2010), c’est au couturier Jean Paul Gaultier d’entrer au Musée des beaux-arts. Une expo très bien montée.
Voici un excellent exemple de muséologie contemporaine créative. Il est presque étonnant de voir que cette inventivité surgisse à propos et à partir du domaine d’un art que l’on dit mineur… Nous aimerions bien que les expositions d’arts visuels contemporains soient aussi imaginatives dans leur installation que celle-ci.
Pour La planète mode de Jean Paul Gaultier, le metteur en scène Denis Marleau (avec la collaboration de Stéphanie Jasmin) signe une scénographie particulièrement efficace. Certes, Marleau s’inspire ici fortement de Tony Oursler, idée qu’il avait commencé à travailler lors d’une résidence de création au Musée d’art contemporain en 2003.
L’expo est parsemée de mannequins portant des vêtements de Gaultier et sur les faces impassibles desquelles sont projetés de vrais visages animés. Certains de ces mannequins aux allures d’automates s’adresseront à vous, visiteurs, chanteront… Cela donne des moments proches des films de Cocteau, tel ce mannequin qui se regarde dans un miroir et dont l’image lui décoche un "Ne t’occupe pas des regards, soi toi-même" [sic]. Le plus spectaculaire de ces mannequins est celui qui permet à Jean Paul Gaultier lui-même de nous accueillir à l’entrée et de nous parler de son parcours de créateur de mode. Une intelligente manière de renouveler le documentaire sur l’art.
Si cette expo est réussie (ce qui n’était pas nécessairement le cas avec l’expo Saint Laurent), c’est qu’elle montre l’impact du travail de Gaultier sur son époque. Vous y remarquerez des photos de Cindy Sherman, Erwin Wurm, Herb Ritts, Pierre et Gilles, Mario Testino… Vous pourrez aussi y voir comment Gaultier a collaboré à des films d’Almodovar, de Peter Greenaway, de Caro et Jeunet, de Besson, ainsi qu’aux chorégraphies de Preljocaj et Chopinot. On y retrouvera également le Gaultier qui a habillé Madonna, Mylène Farmer et Kylie Minogue pour leurs spectacles et a concouru à la création de nombreux vidéoclips.
Gaultier, c’est aussi une révolution dans la manière de présenter les hommes, d’en faire des objets, de même que l’artisan d’un échange avec bien des cultures…
Certes, nous aurions aimé que le projet soit l’occasion d’une lecture analytique et théorique de la mode (à l’aide des cultural studies, des queer studies, des études féministes…). L’expo et le catalogue se sont presque totalement repliés sur l’histoire, les documents, les témoignages. Un musée se doit d’être aussi un lieu d’émergence d’interprétations et pas seulement un lieu de mémoire. Néanmoins, La planète mode de Jean Paul Gaultier est un appel à l’excentricité et au non-conformisme, ce qui dans notre époque est une réussite en soi.
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