Mois de la photo 2011 : Examen de la vue
Nous poursuivons cette semaine notre exploration du 12e Mois de la photo, commissarié par Anne-Marie Ninacs sous le thème "Lucidité – Vues de l’intérieur". Cette fois, virée à L’Arsenal.
Poursuivant un doctorat en histoire de l’art à l’Université de Montréal sur les liens tissés entre la conscience humaine et les arts visuels, la commissaire invitée a de la finesse et du flair, il faut le souligner. Ici, la lucidité consiste à ne pas tout mettre en lumière, mais à toucher du doigt les limites de notre connaissance du monde et à pressentir la zone d’ombre de l’inconnaissable en nous et autour de nous.
La lucidité, comme la vérité, nous glisse constamment des mains, et ce que les feux croisés de ces pratiques tentent de mettre à jour par accumulation et par analogie, c’est précisément cette part de nous et du monde qui résiste à notre conscience.
Les dix artistes qui se partagent l’espace de L’Arsenal – entre autres Yann Pocreau (Québec), Douglas Gordon (Royaume-Uni et Allemagne) et Roger Ballen (Afrique du Sud) – composent un parcours peuplé de fragments d’histoires et de visions attentives. Dix regards, qui fractionnent en dix ambiances l’incubateur géant de Griffintown. Que ce soit avec humour, perspicacité, étrangeté, abandon, dureté, éblouissement ou onirisme, ces artistes ont en commun de "tourner leur caméra vers eux-mêmes" en utilisant la pratique des arts photographiques et médiatiques comme un outil d’auto-observation et d’analyse existentielle.
Soulignons au passage les bribes de vie ordinaire captées comme des jalons lumineux par Corine Lemieux dans sa série "en cours de route", la colère qui gronde sous l’apparence lisse du monde dans les oeuvres d’Augustin Rebetez ("tout ce qui a le visage de la colère et n’élève pas la voix") ainsi que les morts de Jack Burman, toujours présents parmi les vivants dans les collections des laboratoires, catacombes ou camps de concentration qu’il a photographiés pour "The Dead".
Chacun s’est attaqué à quelque chose de gigantesque et de tout simple à la fois, c’est-à-dire à ces questionnements fondamentaux qui sous-tendent à notre condition d’humains: Qu’est-ce qu’être vivant? Qu’est-ce que la mort, la peur, la cruauté? Qu’est-ce que la beauté? Qu’est-ce que la création? Quelle est la part de mon regard dans la composition de mon univers? Qu’est-ce qu’être vraiment présent?
Parce que oui, l’énigme de la réalité est aussi (et surtout) notre énigme la plus intime. Pari tenu: on en ressort absorbé, perplexe et inspiré.
À voir si vous aimez /
Les pratiques contemporaines personnelles et singulières, les lieux d’exposition semi-industriels, les artistes qui ne font pas dans la dentelle.
J’ai été faire mon tour à L’Arsenal (2020, rue William, Montréal) pour l’exposition le Mois de la photo 2011. J’ai accédé à cet endroit en passant par la station de métro Georges-Vanier et en marchant jusqu’à cette galerie. Au rez-de-chaussée de cet ancien immeuble industriel, les photos du Mois de la photo sont exposées. Étrangement les heures d’ouverture de cette exposition ne correspondaient pas avec celles de la galerie Division qui est à l’étage : confusion de ma part. C’est intéressant, certaines images mortuaires me semblaient plus discutables et il y a aussi des vidéos. Cette aire d’exposition est divisée en plusieurs pièces. À l’étage, ils sont en train de tout installer et il y a aussi beaucoup à voir surtout cette tête d’orignal avec la peinture jaune. Il y avait peu de visiteurs cependant sur l’heure du dîner dans cet établissement.