Gaspésie Human Less, partie 1 : Images de l’absence
Maisons en ruine, intérieurs désolés, lieux oubliés et maltraités par le temps et l’absence: voilà ce que nous donnent à voir Guillaume D. Cyr et Yana Ouellet avec Gaspésie Human Less, partie 1. Une proposition poétique et documentaire, présentée à l’Établi.
Le titre a un impact fort: Gaspésie Human Less. On pense à homeless, sans maison, mais ici, le rapport est inversé. À travers les photographies de 50 demeures abandonnées, l’exposition nous présente des images d’une région dépossédée de ses habitants. D’emblée on pense à l’exode des Gaspésiens. Cette réflexion, quoique évoquée par les artistes, n’est pas au coeur de leur démarche. "Ce qu’on photographie, ce sont des maisons, pas des gens. On veut montrer le réel, mais notre approche est esthétique avant tout", dit Guillaume D. Cyr, collaborateur au Voir. "On interroge quand même, mais on ne prend pas position. On constate", complète Yana Ouellet. Dans ce cas, pourquoi un tel sujet? "Actuellement, il y a une réelle fascination pour les ruines. On commence à comprendre que rien n’est éternel", précise Guillaume. Une telle réflexion est percutante: les ruines photographiées ne sont pas celles d’une civilisation ancienne, ou encore celles de pays lointains. Au contraire, les artistes photographient la précarité de notre propre société, qui, elle non plus, n’est pas éternelle. Ils croquent nos propres ruines.
Au total, il aura fallu une semaine de repérage, et un autre voyage de prise de vues d’environ 2000 km en une semaine pour réaliser la série de photographies. Baignant dans une lumière froide de novembre, elles laissent des impressions fortes: isolement, solitude, abandon, nostalgie. Dans une nature dénuée de toute verdure, elles nous montrent les maisons sous plusieurs angles, selon les approches différentes, mais complémentaires, des deux artistes. Guillaume s’intéresse à la maison dans son environnement naturel et symbolique, alors que Yana privilégie le détail, la trace: mobilier, compteurs d’électricité arrachés, portes, fenêtres.
Au centre de l’exposition, un livre d’artistes autoédité: "C’est un document, un objet papier, qu’on peut feuilleter et qui implique une action du spectateur", affirme Guillaume. Le livre présente les différentes séries des artistes, des textes de leur plume et un avant-propos de Pascal Alain, historien de la Gaspésie. "On l’a invité et on lui a laissé carte blanche pour parler de ce que lui inspiraient les photos." À la manière d’un conteur, il narre l’histoire d’une Gaspésie touchante et humaine. Et pour s’immerger complètement dans l’ambiance du livre, on pourra écouter une composition de Yana, qui possède une formation au Conservatoire de musique de Québec. "Le but est que le spectateur mette les écouteurs, écoute la musique, se concentre sur les photos et s’isole, un peu comme nous lorsque nous travaillions seuls dans les champs", précise l’artiste.
Gaspésie Human Less, partie 1: premier volet d’une trilogie. Le second, que nous aurons peut-être la chance de voir ce printemps, traite, quant à lui, de l’arrière-pays de la baie des Chaleurs, entre usines et autres endroits abandonnés. Et c’est dans la troisième partie que la figure humaine reviendra, avec des portraits photo et vidéo de gens qui parleront de leur région. "Human Less, OK, mais il y a quand même des gens en Gaspésie!" s’exclame Guillaume.
À voir si vous aimez /
Guillaume Tardif, Yves Marchand, Romain Meffre