Martin Bureau / From China with Love : Le péril jaune
La Chine fait jaser, et elle arrive à nos portes. Avec From China with Love, l’artiste Martin Bureau nous propose un voyage au coeur de ce pays de contrastes et de contradictions. Regard sur notre surconsommation et ses effets pervers.
Profitant de notre rage de consommation, de notre besoin d’objets futiles, le géant chinois est lentement en train d’asseoir sa mainmise sur l’Occident. "Dans l’actualité, on entend toujours que la Chine s’en vient, commente Martin Bureau. J’ai eu le sentiment de saisir que l’impérialisme chinois renouvelait le colonialisme classique: plutôt que de créer sa richesse en profitant des ressources des pays conquis, la Chine installe sa domination en nourrissant le désir insatiable de l’Occident pour des standards de vie à bas prix."
Pour l’artiste, il ne s’agit pas tant d’une exposition critique de la Chine que des effets pervers qu’entraîne la surconsommation en Occident. Notamment des conditions de vie des travailleurs des zones économiques spéciales (ZES), que la Chine a déréglementées pour attirer les compagnies occidentales. Véritables camps de travail, elles se sont développées à un rythme frénétique et posent de sérieux problèmes environnementaux. "Face à ces mégapoles, j’ai eu l’impression de vivre la lente agonie de la nature en direct, de voir ce qu’il adviendra du monde", explique l’artiste.
Au total, 17 tableaux, dont une pièce de grand format qui présentera, dans un clin d’oeil au 11 septembre 2001, un conteneur (le type même qui est utilisé pour importer nos objets de consommation) qui fonce dans l’édifice de CCTV, la télévision nationale chinoise. "Faire voler un cargo, c’est une absurdité, mais ça représente la vision de l’anarchie qu’on sent là-bas." Il faut dire que l’impact du développement de la Chine sur la société est très fort: "Tu te promènes dans la rue et tu vois une contraction entre l’hypermodernité et la tradition", raconte Martin Bureau, ajoutant que c’est dans une vision métaphorique que chaque tableau aborde le sujet.
Depuis son exposition chez Lacerte en 2008, la facture de ses oeuvres a beaucoup changé. Moins de peinture, plus de crayon: peinture à l’huile, acrylique et graphite se côtoient, dans une approche nouvelle. "J’ai fait un virage à 180 degrés et j’y ai vraiment trouvé une stimulation intense. Je vais encore radicaliser le dessin en noir et blanc." Malgré ce virage dessin, la couleur, qu’on admire chez Bureau pour sa force expressive et sa luminosité, ne disparaît pas: elle se fait tout aussi éclatante.
Le titre de la série, From China with Love, réfère à James Bond mais évoque aussi, avec ironie, la carte postale et le voyage. "C’est comme si je présentais une Chine idyllique. Ça crée un contraste décalé, antinomique", précise l’artiste. Pour annoncer l’exposition, la vitrine arborera le titre écrit en chinois. Pour Martin Bureau, il s’agit d’un symbole de l’impérialisme et de la colonisation. "C’est comme si les Chinois débarquaient, comme lorsque les Anglais sont arrivés au Québec et que l’affichage se faisait en anglais."
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Thierry Arcand-Bossé, Rafael Sottolichio