Triennale québécoise au MAC : Art du temps (présent)
Arts visuels

Triennale québécoise au MAC : Art du temps (présent)

La Triennale québécoise au MAC, c’est l’événement de l’année. Une cinquantaine d’artistes nous montrent la vitalité de l’art d’ici.

L’événement fait penser à Greater New York à PS1 ou à la Biennale du Whitney, avec les qualités et défauts de tels panoramas… Avec la Triennale québécoise 2011, nous avons vraiment le sentiment que Montréal est entrée dans le circuit très actuel des méga-giga-tentaculaires expositions d’art contemporain. Une preuve? Si vous voulez vraiment voir et comprendre chaque oeuvre au Musée d’art contemporain et à l’extérieur de celui-ci, vous en avez pour de nombreuses heures ou plusieurs visites.

C’est le genre de titanesques bilans qui se montent sur la scène internationale. Totalement nécessaires, souvent frustrants étant donné leurs dimensions et leurs choix nécessairement partiaux, ils tentent de humer l’air de l’époque et soulèvent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses (ce qui n’est pas nécessairement un défaut). La postmodernité a parfois conservé de la modernité que l’art soit une question dérangeante et non une réitération de valeurs dominantes… Ce type d’exercice est d’autant plus important que celui qui se tient au MAC ces jours-ci valorise notre art, événement plus rare que nous ne pouvons le croire dans ce pays où nous sommes encore souvent de bons colonisés ayant besoin de Paris ou de New York pour juger de la valeur de nos créateurs.

Notons, en passant, que cette expo est une célébration des instances de légitimation locales que sont les centres d’artistes, terreau essentiel à notre culture, la presque totalité des créateurs présentés s’étant développés dans ces lieux et en particulier dans l’incontournable Centre Clark.

Quelques pistes (à défaut de chemins)

Dans cette visite, que pourrez-vous comprendre de l’art contemporain? Encore l’importance des pièces sonores (Beauséjour, Aubé, Henricks…)? Mais encore?

Bien sûr, comme l’écrit une des commissaires de l’événement, Lesley Johnstone, nous assistons bel et bien à une « période de réinvestissement de la salle d’exposition ». Dans un musée, cela signifie quoi? Il fut une époque où les artistes se méfiaient des institutions (par essence bourgeoises et muselantes) et les institutions, des jeunes artistes vivants (à la postérité incertaine). Cette époque semble presque révolue. C’est un thème important de cette triennale: il y a un « brouillage des frontières entre l’atelier et la salle d’exposition », entre l’espace d’exploration et l’espace de présentation.

Un exemple fabuleux: Massimo Guerrera qui nous offre un lieu-laboratoire (plus angoissant que le discours presque nouvelâgeux sur son oeuvre) où il réalisera une série d’ateliers-causeries. Et il y a aussi un brouillage et une réflexion sur la limite entre espace public et espace privé (avec des pièces intelligentes d’Alexandre David, Myriam Yates…).

Mais nous avons quelques réserves quant à l’idée d’un espace d’exposition qui serait « dorénavant envisagé non pas comme un terrain neutre ou idéologique, mais plutôt comme un site où tout peut arriver »… Que les créateurs soient moins dans la confrontation moderniste, soit. Mais ceux-ci sont-ils dans l’illusion que le musée ou l’espace public sont des lieux si ouverts? Pas sûr. Une des qualités des oeuvres ici exposées est leur capacité à jouer et déjouer, à déconstruire les structures dominantes. Claudie Gagnondéconstruit le concept de chef-d’oeuvre dans des vidéos-tableaux-vivants humoristiques et décapants.

Dans le même esprit est la formidable oeuvre Art Now de Thérèse Mastroiacovo. Celle-ci a redessiné des couvertures de revues ou de catalogues qui depuis 60 ans utilisent le mot Now afin de souligner les limites de ce concept comme critère de jugement. Cette oeuvre devient aussi une critique de l’idée même de bilan en art contemporain. Le collectif [The User]s’approprie et détourne l’usage d’anciennes imprimantes, le travail très sérieux du bureau en une musique bureautique qui remet en question la notion de progrès, d’efficacité, de performativité…

C’est justement cette temporalité différente qui est au coeur l’expo. Depuis quelques décennies, nous en avons fini avec les oeuvres qui se donnent en un coup d’oeil, qui sont simplement de l’ordre du visuel ou du coup de poing. Comme le souligne Marie Fraser, cette triennale souligne l’importance de la « dimension performative » de l’art actuel ou, comme le dit Johnstone, des « installations performatives ». L’art de nos jours se veut encore une expérience où la notion de temps a son importance. Un temps d’exploration et d’analyse, de plus en plus exigeant.