Valeur / Cooke-Sasseville : L’art ou l’$?
Dans le cadre de l’exposition Valeur, la Galerie d’art Foreman déroule le tapis rouge pour le duo Cooke-Sasseville et son Petit gâteau d’or.
Il ne faut pas badiner avec Cooke-Sasseville. Nous aurions aimé qu’ils soient d’effrontés personnages, prompts à tenir des propos scabreux, mais les deux artistes de Québec semblent déverser toute leur permissivité dans la création. Autre déception: lorsqu’est venu le temps de casser du sucre sur le dos de Richard Martineau (qui a récemment descendu en flammes une oeuvre d’art public du duo qui prend la forme d’un batteur à oeufs), Jean-François Cooke et Pierre Sasseville furent politically correct, voire polis.
Même si le mini-scandale a permis à Cooke-Sasseville de faire les manchettes, le duo s’en serait bien passé. Les bienfaits de la controverse? Il n’y croit pas vraiment. Et il n’est pas dupe quand les journalistes qualifient l’art de nouvelle valeur refuge en ces temps de crise économique latente. "Sur le terrain, tu ne vois pas les contrecoups de ça, affirme Sasseville. Les artistes n’ont pas commencé à bien vivre tout d’un coup!"
Il n’en demeure pas moins que le marché de l’art connaît une période faste. "Ce qui est embêtant, c’est la spéculation, précise Cooke. Ceux qui ont de l’argent à investir n’y vont pas selon leurs goûts personnels, mais suivent divers conseils. On ne va pas nécessairement vers la qualité. On cogne rarement à la porte des artistes qui font de la recherche, qui sont d’avant-garde. En ce sens, l’idée de la valeur refuge est négative. On entretient un star-système de l’art."
C’est ce qui a amené les deux artistes, en 2010, à créer Le petit gâteau d’or, un jeu intellectuel et cynique. Par cet objet, ils plaçaient leur argent à la fois dans l’art et les matières précieuses. L’oeuvre – sûrement la plus médiatisée du duo – se retrouve au coeur de Valeur. Chapeautée par la commissaire Vicky Chainey Gagnon, cette exposition collective jette un regard sur la crise économique actuelle par la lorgnette de l’art.
CUPCAKE DORÉ
Sous sa cage de verre, du comfort food à la mode questionne le cheminement créateur par la transformation de la matière (l’or dans ce cas-ci) en objet d’art. "On s’est fait nous-mêmes la preuve que quand on crée une oeuvre d’une richesse impressionnante, ça fonctionne, raille Sasseville. On s’amuse souvent à dire que c’est l’inverse de nos installations habituelles, qui sont immersives et à grand déploiement. Là, c’est une implosion. Toute l’énergie fut mise sur un objet qui fait 7 cm2."
Combien vaut le cupcake doré signé Cooke-Sasseville? Beaucoup, mais sûrement moins que le crâne en diamants de Damien Hirst… Et le nom Cooke-Sasseville, ça vaut combien? "Si, du jour au lendemain, il n’y a plus le nom Cooke-Sasseville, l’objet garde une valeur relativement importante. On peut alors se demander qu’est-ce qui vaut quoi au juste?"
Mais même si les questionnements demeurent, le tandem ne cuisinera pas un autre luxueux dessert. "C’est un métier d’essais-erreurs. Il faut se questionner et prendre des risques. On n’a pas l’impression d’user de stratégies. Le petit gâteau d’or, c’est un risque qui a marché."