Mode et apparence dans l’art québécois au MNBAQ : Au-delà du terroir
Exit le terroir et le digne habitant travaillant sur sa terre. Avec Mode et apparence dans l’art québécois, 1880-1945, le MNBAQ nous présente le visage d’un Québec moderne, urbain et bien fringué!
Les commissaires Esther Trépanier et Véronique Borboën ont pris le pari suivant: montrer la modernité du Québec de 1880 à 1945 par la mode et la peinture. "J’étais persuadée que nonobstant la dominance du terroir, les artistes se sont aussi intéressés à leurs contemporains, et qu’on pouvait, par conséquent, travailler les phénomènes de la mode et de l’apparence à travers les tableaux", explique Esther Trépanier. Ainsi, l’exposition se veut un portrait de la mode et de l’apparence au Québec, mais aussi un regard sur l’évolution de l’art: "Ce qui est amusant, c’est que l’exposition est une traversée sur le rapport des artistes à la figure humaine, qui va de la peinture la plus académique à l’approche la plus moderne et expérimentale."
La perception du Québec de l’époque, rural et dominé par l’Église et la tradition, sans être complètement fausse, doit être nuancée: il était industrialisé, possédait des grands magasins depuis le 19e siècle, et était fortement urbanisé: "La réalité québécoise de l’entre-deux-guerres est une réalité urbaine pour la large majorité de la population. Mais dans l’art savant, on a créé tout un imaginaire: le Québec serait une société rurale et le Québécois majoritaire, habillé en laine du pays, avec une ceinture fléchée", indique Mme Trépanier. Or, il y avait des peintres de la vie moderne, dont l’incontournable Adrien Hébert, qui ont représenté la vie urbaine. "Les artistes qu’on présente ne veulent pas peindre la mode mais, représentant leurs contemporains, ils peignent l’état du vestimentaire et de l’apparence, qui nous apprennent autant sur une société que sur la peinture."
L’exposition possède également une dimension anthropologique: "On essaie de faire se rejoindre la peinture et l’histoire", souligne Esther Trépanier. Et afin de bien cerner la société québécoise de l’époque, les commissaires se sont intéressées aux femmes, aux hommes et aux enfants, issus de la bourgeoisie ou du monde ouvrier. Par ailleurs, une section est consacrée aux enfants travailleurs, qui étaient rarement représentés. On trouve également des sections sur le plein air et le sport, sur les travailleurs, sur les chapeaux, sur l’élégance à la campagne et une autre, magnifique celle-là, sur l’univers de la rue et des grands magasins. Bref, on s’intéresse à l’évolution de la mode et de l’apparence et on nous prouve que les Québécois étaient à la page. "C’est l’anti-Maria Chapdelaine!" s’exclame-t-elle.
Les commissaires ont également demandé à huit designers de mode contemporains de s’inspirer de tableaux de l’exposition afin de créer des vêtements originaux. Parmi ceux-ci, pensons à Marie Saint-Pierre, Philippe Dubuc et Myco Anna. Les créations ont été intégrées dans les deux salles: "Cela offre l’occasion de faire se rencontrer des artistes du passé et des créateurs contemporains. Pour établir un dialogue, mais aussi faire valoir un aspect de la création au Québec", remarque Esther Trépanier.