Valérie Blass : Fractures historiques
Valérie Blass est impeccablement présentée par la conservatrice Lesley Johnstone, au MAC, où il ne faudra pas rater non plus le travail de Wangechi Mutu.
Ici et là, des citations de l’art égyptien côtoient des drapés faisant penser à des sculptures religieuses, des formes monolithiques (évoquant en effet Stonehenge) ou, bien sûr, des références à Marcel Duchamp et à son idée de ready-made (devenue un ready-made).
C’est bel et bien à une histoire de la sculpture et même de l’art en général que nous convie Valérie Blass au Musée d’art contemporain (MAC). Rien de moins. Et cela est fait avec grande justesse et intelligence, entre autres dans une immense salle où le propos devient presque vertigineux, dans une mise en abyme historique impressionnante.
L’art y est montré avant tout comme histoire, comme un imposant dispositif narratif procédant par fausse continuité. La présentation de l’ensemble des oeuvres de Blass au MAC joue d’ailleurs avec cette idée. Souvent, elle se sert de ces grands socles qui, dans certains musées (dont ceux d’archéologie ou d’histoire naturelle), permettent de déposer des artefacts anciens dans un effort, malgré leurs disparités évidentes, de constituer une vue d’ensemble, un résumé temporel, un panorama artificiellement complet du passé.
Postmodernité oblige, les oeuvres de Blass connectent, collent ensemble, en ne cachant pas les fractures du temps, des éléments de la sculpture ancienne et de l’art moderne. Par exemple, ses sculptures permettent des rencontres entre figuration et abstraction. Son oeuvre juxtapose aussi des manières de faire de différentes époques. D’un côté, nous retrouvons le trompe-l’oeil, les faux-finis à l’ancienne, des morceaux de sculptures où les matériaux semblent en imiter d’autres avec facilité et légèreté. De l’autre, comme bien des modernes, Blass semble insister sur la réalité des matériaux bruts et sur leur lourdeur.
Certaines formes semblent moulées comme on le faisait autrefois, d’autres au contraire jouent sur leur vérité matérielle et paraissent refuser toute illusion visuelle. Cette opposition se poursuit entre la sculpture qui semble défier son poids et celle qui apparaît dans toute la densité de sa matérialité… Le travail de Blass est d’une grande actualité, très proche des préoccupations d’artistes comme Damian Moppett, Daniel Firman ou Evan Holloway.
Que cette exposition de Blass n’éclipse pas la présentation de Wangechi Mutu, artiste née au Kenya et vivant maintenant à New York, elle aussi à l’affiche au MAC. Une oeuvre tout aussi intelligente.