Laetitia Gendre : Mutants médiatiques
Arts visuels

Laetitia Gendre : Mutants médiatiques

L’exposition de l’artiste belge Laetitia Gendre remixe quelques récits de notre imaginaire régional sur un air psychotonique.

Avant d’investir les murs du Lobe, Laetitia Gendre a recueilli, à distance, quelques histoires de ses amis saguenéens et a entamé des recherches historiques à propos du territoire où elle s’apprêtait à poser pied. Cette cueillette a fait exister le projet de résidence Le verbe voir, un travail qui inclut l’imagerie numérique, des films de papier et l’écriture. Un match parfait. Résultat: une série de savoureuses petites fictions largement inspirées de notre mémoire locale.

Toutefois, l’approche que l’artiste propose est tout sauf folklorique ou littérale. Il semble y avoir eu de l’interférence dans la transmission des sources. Les repères historiques et actuels régionaux sont brouillés, malaxés et donnent vie à de fraîches fictions qui font sourire. La série des cinq grandes affiches noir et blanc au mur révèle des collages numériques très pop rappelant l’esthétique des affiches de films cultes. La présence de personnages héroïques et le ton exploité dans les synopsis sont soulignés avec une parfaite dose d’humour. Par exemple, l’oeuvre Déluge est réinterprétée de manière ludique comme une cité invincible où les citoyens sont en sevrage de bronzage en canne. Sur le cartel correspondant, on peut lire: "Excédés, les habitants ont opté à l’unanimité pour la construction de bâtiments insubmersibles. Ces transformations ont exigé des semaines d’efforts intenses, et le moral des troupes est accablé par les carences en vitamines dues à l’absence de soleil […] Une prescription médicale collective encourage chacun à fréquenter régulièrement le centre de bronzage de Mme Jones, et le bénéfice qu’elle en tire ne manque pas d’attiser jalousies et suspicions."

Parmi les oeuvres murales, quelques rouleaux de papier industriel habitent la salle. Conforme à une réalité bien collée à notre région, cet objet semble lui aussi détourné de son sens premier et devient objet d’art, rappelant le format d’une vieille bobine de film, toujours dans l’esprit d’une cinématographie vintage. Il faut noter que le vernissage de la délicieuse exposition cadrait bien dans les festivités d’ouverture du festival Regard qui, cette année, s’affichait sur le thème "Mutation".

Pop fiction

Assises toutes les deux sur le beau divan rouge près de la salle du Lobe, cherchant l’énergie dans le café, la sympathique Laetitia et moi avons discuté cinéma. En regardant son projet d’exposition, on ne s’étonne pas que l’artiste soit attirée par les films de genre, comme les premiers Cronenberg. Elle explique que ce n’est pas uniquement l’esthétique des films de série B et de science-fiction qui l’attire, mais également le propos social que ce genre laisse parfois sous-entendre. C’est de cette manière qu’elle a abordé les subtilités narratives de son projet Le verbe voir. Pour en connaître plus sur le travail de Laetitia Gendre: www.laetitiagendre.com.