Les habitants de la nuit : Mutants médiatiques
L’artiste Isabelle Demers présente l’exposition Les habitants de la nuit. Variations sur la taxidermie.
"J’aime m’imaginer un univers où les humains ne tiennent qu’un second rôle. Les animaux deviennent donc les protagonistes principaux d’une narration qui se déroule en bordure de notre monde." Ces propos de l’artiste Isabelle Demers, extraits d’une entrevue publiée dans la revue web Punctum, résument bien l’esprit de l’exposition Les habitants de la nuit. Pour une dernière semaine, la salle de L’OEuvre de l’Autre sera habitée par cette faune un peu étrange, pas trop chargée, occupant un espace bien calculé entre dessins, sculptures et végétation.
C’est en prenant connaissance de l’ensemble du travail de Demers que l’on remarque la présence récurrente des figures animales, qui semblent représenter une source inépuisable d’inspiration narrative. Toutefois, l’artiste adapte cette thématique grâce à un traitement visuel différent de ce à quoi l’on peut s’attendre. Les animaux sauvages sont devenus des créatures étranges et incertaines. On s’éloigne de la tête de chevreuil décorative au mur du chalet.
Sans nécessairement tomber dans le kitsch, les sculptures de Demers, principalement ses moulages format réel, proposent une taxidermie particulière. Les charognards sont figés sous d’épaisses couches de cire et de matière obscure, parfois simplement en plâtre nature. Au mur, l’artiste adopte la technique artisanale de la pyrogravure dans sa série de dessins, de sorte à brûler le papier. La combustion devient donc une couleur, créant des nuances et altérant le support. Encadrés, les prédateurs et leurs proies sont représentés comme de sublimes portraits figuratifs, presque encyclopédiques, parfois à l’intérieur de scènes frôlant l’étrange.
La mise en espace permet également des parallèles entre les oeuvres, composant un récit au dénouement incertain, agissant comme une faille dans le réel, nous obligeant à repenser notre confortable quotidien. Ici, les animaux semblent exister dans une espèce de théâtre qui s’anime dès la tombée de la nuit. Sauvages et rebelles, ils saccagent ou restent sages. Après tout, c’est un mode de vie qui n’est peut-être pas si loin de nous. Si l’obscurité alimente les craintes et l’angoisse, elle est également propice à la fête et à la proximité. La nuit, tout est permis.