Mesures de silence : Cris et chuchotements
Roger Bellemare et Christian Lambert signent encore une fois une expo thématique importante, comme ils en ont le secret. Dans Mesures de silence, ils ont installé des oeuvres qui, sans tambour ni trompette, nous disent bien des choses…
Malgré son titre, ce n’est pas à proprement parler une exposition sur la musique. Certes, il y a, ici et là, place au son, mais c’est en effet plus par son absence, par sa suspension qu’il arrive à nous toucher. Il s’agit en fait d’une expo qui traite de ces moments de grâce quand des oeuvres semblent posséder une potentialité expressive non littérale, une manière subtile de nous toucher qui nous laisse, pendant un moment, sans mots. Des oeuvres qui nous proposent d’écouter le monde, d’être attentifs à la présence dans l’absence.
Comme l’explique Roger Bellemare, c’est aussi "une expo sur ce qui amène au silence ou qui traite de ce qui survient lorsqu’il y a un silence, avec des oeuvres qui amènent à la méditation, à la contemplation". Il a conçu son projet contre les bruits ambiants avec comme point de départ l’achat, il y a quelques années, d’une pièce de Beuys, qui s’intitule Das Schweigen, le silence. Pour cette création, Beuys avait acquis des bobines de films de Bergman dont il avait scellé les boîtes de métal.
On comprendra que Bellemare traite aussi, à mi-voix, de la mort, d’un rapport presque serein à cet état.
C’est, par exemple, certainement le cas dans cette petite installation de Roger Bellemare lui-même, qui nous fait découvrir dans une vitrine un oiseau mécanique couché, comme privé de vie. Cet objet qu’il avait offert à Betty Goodwin il y a des années, il a eu l’occasion de le récupérer après la mort de la célèbre artiste… Un hommage à une voix éteinte? Un hommage à une artiste qui a su faire résonner le silence. Vous y verrez d’ailleurs des oeuvres de Goodwin comme ce dessin, To See the Blindness, ou cette épreuve d’artiste d’une de ses célèbres gravures de nids. Avec aussi des pièces de Giacometti, Leduc, Lemieux, Rainer, Cage, Gaucher, Charles Gagnon…
En récupérant le local laissé vacant à la suite du départ de René Blouin à L’Arsenal, Roger Bellemare et Christian Lambert ont depuis quelques mois plus de place pour développer leurs expositions. Voilà sans nul doute une formule gagnante.