Yves Médam : Photo chorale
Faire de la photographie autrement, Yves Médam y parvient. Entrevue avec cet artiste de l’art numérique pour mieux comprendre la hasardeuse science de Kaléidoscope.
"J’ai déjà entendu un grand photographe dire que dans toute sa vie, il n’avait travaillé qu’une demi-heure. Le gars avait fait carrière pendant 35 ou 40 ans, mais quand on avance à coups de soixantièmes de seconde…"
En durée, la carrière d’Yves Médam obtient déjà un meilleur score. Pour créer ses fictions numériques, le photographe emploie un procédé qui nécessite de la patience. "Je travaille sur des photos qui "durent" environ une heure chacune, résume-t-il. Je plante mes deux pieds par terre et je scanne l’espace à 180º, avec tous les épisodes qu’il peut y avoir. Si quelqu’un avec une gueule sympathique passe devant moi, clic, je le photographie." Mais pas si la personne passe trop près de lui, car la mise au point de sa caméra doit demeurer la même. Et s’il l’ajustait au fil de l’exercice, que se passerait-il? "Ça donnerait autre chose…" réplique-t-il, sourire en coin. On ne change pas une formule gagnante.
C’est principalement en voyage que Médam effectue ses "photos chorales" (l’exposition Kaléidoscope retrace deux séjours outre-mer, l’un au Maroc et l’autre au Portugal). De retour à la maison, une fois que les souvenirs se sont un peu effacés, il explore chaque ensemble de clichés. "Lorsque je sens qu’il y a un potentiel, je tente de mettre les photos en position." Il s’agit d’un collage aléatoire. "C’est ce qui m’intéresse. Je ne veux pas savoir exactement où je m’en vais." Pour les agencer, il use de transparence. "Ça apporte un déséquilibre à l’image et c’est ce qui donne, presque par accident, ce sentiment de profondeur, telle une troisième dimension. C’est comme si j’arrivais – je l’espère – à traduire le mouvement, le temps et l’espace, mais tout ça vu par un mec un peu bourré."
"La photographie, c’est un art relativement fidèle, lance-t-il. À la limite, il n’y a rien de plus objectif. Mais moi, je ne veux pas traduire le vrai. Je pars du réel pour en faire autre chose, comme un sculpteur, un peintre ou un musicien. Avec ma combine, je peux déjouer la vérité." Yves Médam serait donc un fabuleux menteur…