Guillaume Tardif : Guide de l’auto trash
Guillaume Tardif a photographié des carcasses de voitures abandonnées, compilant sans le savoir Dans le décor, un guide de l’auto trash.
À l’automne 2009, Guillaume Tardif charge son camper-van et s’engage dans un grand tour de l’Australie. "Alors qu’on circulait dans des coins assez reculés, j’ai commencé à voir apparaître des bagnoles abandonnées dans le paysage, se souvient-il. Je ne savais pas trop ce que j’allais faire avec ça, mais j’ai commencé à les prendre en photo."
Cette moisson inattendue deviendra la pierre angulaire de Dans le décor, une expo photo qui élargit le cadre habituel des expos photo en élaborant, à partir de cette curieuse matière première, ce que l’artiste nommera des photographies sculpturales/sculptures photographiques. Une installation invite par exemple le spectateur à réarranger, comme un casse-tête, les quelque 250 morceaux d’une photo aux allures de panneau publicitaire. "Ça devient de la sculpture à manipuler. J’ai aussi empilé 200 petites voitures en carton pour créer une immense montagne. Cette accumulation d’objets fabriqués pour être jetés fait écho à la fabrication en série des véritables voitures et au sort qui leur est réservé."
Les disciples du groupe MAP, au sein duquel Tardif gueulait et soufflait dans un saxophone, retrouveront ici la même charge anticonsumériste, bien que distillée de manière plus élusive, que portait haut la défunte formation de Québec. "Dans mon travail en arts visuels, je suis animé par les mêmes considérations qu’en musique, mais ma recherche est d’abord formelle, nuance celui qui poursuit sa vie de punk-rockeur avec Charlie Foxtrot. J’aime réutiliser des objets "trashés", laissés à l’abandon, pour faire des sculptures. Évidemment, c’est souvent teinté d’un discours sur la surconsommation. Reste que c’est plus proche d’une poésie visuelle que d’un discours idéologique."
Pas un gars de char pour deux sous, Tardif n’a rien du chroniqueur auto grisé par la proverbiale odeur d’une voiture neuve et tire à boulets rouges, lorsqu’on lui en donne l’occasion, sur une société où succès personnel et nombre de chevaux-vapeur s’unissent dans une débilitante équation. "Je roule dans un tacot bien pété que je traite comme tous mes outils, c’est-à-dire que je ne lui fais pas de cadeau. La voiture n’est pas un symbole de ma virilité, ni de ma réussite."
La famille MAP poursuit sa sensibilisation qui m’a inspiré voila quelques années. Cette exposition de Tardif suit leur ligne de pensée inscrite au dos d’un de leur chandail que j’ai fièrement porté:
«Créer par l’action directe si possible non-violente un changement, aussi minime qu’il soit, dans un système basé sur la recherche du profit matériel plutôt que sur la mise en commun des ressources; une action pour le bien de la communauté plutôt que pour celui d’un seul individu. Créer par le respect des autres (tant humain que non-humains) et de l’environnement, un mode de vie autonome et responsable sans la nécessité de quelque forme d’autorité que ce soit. Faire ce que l’on veut tant que l’on respecte notre environnement et les autres individus, sans se préoccuper de la différence physique. Non au fascisme, non au racisme, non au sexisme, non à la torture des animaux, non à l’homophobie et non au néolibéralisme.»
Bravo Guillaume!