À l’origine du projet présenté à La Bande vidéo, une fiction scientifique écrite par Jérôme Minière: un scientifique à la retraite trouve le moyen de transférer la vie dans le monde virtuel. Après une carotte, un labrador et un lapin, c’est un cobaye humain qu’on envoie dans le monde du 1 et du 0. Dans l’installation, on voit les artéfacts de ces expériences: sous verre, comme figés dans l’espace d’un musée, la carotte nantaise et le Commodore 67 dans lequel vit le cobaye. En entrant à La Bande vidéo, on pourrait croire à une exposition complexe, hermétique. Puis, on lit la fiction, et tout devient clair. ‘On joue sur les codes de l’art conceptuel’, explique Marie-Pierre Normand. ‘Souvent, une oeuvre hermétique est accompagnée par un texte compliqué. Quand on lit notre texte, on se rend compte que notre oeuvre est plus près de Rock et Belles Oreilles que de l’art conceptuel’, précise Jérôme Minière. Le document est essentiel dans l’exposition: ‘Il faut lire le texte pour comprendre, peut-être l’apporter chez soi, puis revenir, car ce n’est jamais la même scène qui est présentée’, relate Marie-Pierre Normand.
Si l’installation présente la vidéo tournée en un plan-séquence de cinq heures, où on peut observer le personnage joué par Minière vaquer à ses occupations, il est aussi possible de visiter le site du laboratoire (www.lavieenboite.blogspot.com), qui présente un autre regard sur l’expérience. ‘Ce qu’il y a sur place s’inscrit dans la durée, dans l’instant présent. C’est anti-spectaculaire, alors que les capsules sur Internet présentent les faits saillants, comme au téléjournal’, souligne Jérôme Minière.
Finalement, l’installation, loufoque et absurde, pose un regard assez lucide sur la relation que l’homme entretient avec la machine. ‘On demande au spectateur de lire le texte, on le positionne devant l’effort qu’il ne fait peut-être plus par rapport à la machine, car on est toujours dans la facilité, dans l’instantanéité’, observe Marie-Pierre Normand. Et c’est cette facilité qui est évacuée, le personnage devant camper à l’intérieur de la boîte et travailler à la main. ‘Présentement, nous sommes tous un peu dans la machine. Le personnage fait du camping, tout comme nous qui, symboliquement, en sommes tous à camper dans nos ordinateurs’, commente Minière.
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LES RATÉS SYMPATHIQUES
À l’occasion de la Manif d’art, notre journaliste Julie Gagné a accepté de jouer le jeu des Ratés sympathiques. Le principe est simple: la journaliste produit une oeuvre, critiquée par un artiste, et nous publions ce texte comme nous le ferions avec celui d’un de nos collaborateurs: sans censure. Les oeuvres des critiques qui jouent à faire de l’art étaient présentées à la Galerie Tzara jusqu’au 6 mai.
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Le double et le doute
L’oeuvre de Julie Gagné nous confronte au reflet des facettes plus obscures de nos personnalités. Bien qu’autobiographique, cette pièce soulève des problèmes qui nous assaillent tous: doutes, hésitations, craintes. A priori négatives, ces petites insécurités quotidiennes agissent souvent comme un filet protecteur nous retenant de poser des gestes fragilisants ou allant à l’encontre de nos valeurs. Les bandes de ruban adhésif disposées sur le visage en relief semblant vouloir sortir du miroir avec fracas illustrent cette retenue, ce filet qui assure notre équilibre. À l’oeuvre convaincante de Julie Gagné, nous décernons quatre étoiles. Seul bémol, une pièce trop pédagogique et pas assez radiophonique.
Cooke-Sasseville