Tom Wesselmann : Jeu de rôles
Tom Wesselmann est à l’affiche au Musée des beaux-arts. Avec Oldenburg, Rauschenberg, Rosenquist, Warhol, Lichtenstein, il a été une figure importante du pop art (même s’il détestait cette étiquette).
Nous y allions avec beaucoup de scepticisme. Presque à reculons. Dans les années 90 et au début des années 2000 (il est mort en 2004), la production de Tom Wesselmann nous semblait très décorative. Et puis, c’est une des vertus de cette expo, nous nous sommes surpris en train de redécouvrir un artiste qui dans les années 60 et 70 a finalement réalisé une oeuvre originale et bien plus forte que le souvenir que nous en avions. Voilà qui justifie totalement cette rétrospective.
En visitant les premières salles de cette exposition (extrêmement bien installée par l’agence d’architecture montréalaise Ædifica), nous avons eu le sentiment que cet artiste avait su capter l’esprit d’une époque avec toutes ses tensions. Le pop art a bien sûr su s’approprier la pub et la société de consommation à travers des collages de matériaux hétéroclites (combine paintings) en ayant une attitude ironique forte. Wesselmann fit partie de cette mouvance. Mais il fit plus. Les années 60 et 70 furent aussi le moment où les mouvements de libération de la femme prirent de l’expansion, tout comme la notion de liberté sexuelle. Les deux tendances ne fonctionnant pas toujours dans la même direction… Souvent chez Wesselmann, la femme-objet est présente dans des images explicites qui ont choqué certaines féministes. D’ailleurs, dans le catalogue, sur ces nus très sensuels, il manque un texte plus clairement dans l’esprit des gender studies (le texte de Constance W. Glenn ne discute pas assez directement de cette question, même s’il a l’intérêt de ne pas condamner cette esthétique). Un tel texte aurait dû approfondir le sujet et aborder la question de l’identité sexuelle comme "jeu de rôles"… Les shaped canvases (ces tableaux au "châssis découpé") de Wesselmann nous semblent entre autres dire une obsession (masculine?) pour le corps en morceaux, pour des parties de corps (sein, bouche, langue, pied, main…). Sa Fumeuse no 1 de 1967 est exemplaire de cela. Une oeuvre à la croisée des mangas et du film Blow-Up d’Antonioni.
Les dernières salles sont certes plus décoratives et les oeuvres plongent dans un kitsch plus facile et plus réconfortant. Néanmoins, une expo qui fait réfléchir.